Faut-il, pour être bien habillé, suivre règles et codes ? Sujet battu et rebattu. J’y reviens une nouvelle - et dernière - fois. La violence des attaques des partisans de la transgression ne laisse pas de m’étonner. « Réactionnaires ! Ayatollah ! Fascistes ! » C’est par ce genre de noms d’oiseau qu’ils traitent leurs adversaires. Adversaires ? A ce stade de violence, le mot « ennemis » semblerait plus approprié. Et je passe sur le charmant « Foutez-moi tous ces « il faut » et « on doit » à la BEEEENNNNNNEEEEE ! » décoché naguère à mon endroit par l’administrateur d’un site au demeurant respectable.
Qu’ont donc de si terrible les partisans d’une certaine tradition ? Ils rappellent, informent, conseillent. Ils ont la conviction que transmettre des usages, une culture – fût-elle, en cette circonstance, limitée au domaine du vêtement – est une bonne action. Leur démarche est empreinte de modestie. Ils vénèrent leurs aînés, recueillent leur savoir, ne se prennent pas pour des génies. Ils se méfient des révolutions, ne croient guère au(x) progrès. La violence n’est pas de leur côté. De leur côté, on ne trouvera qu’ironie légère, humour un peu désabusé. Au reste, plus ouverts qu’on ne le prétend : qu’une nouveauté réponde à leur idéal de beauté (ça non, ils n’ont pas renoncé à servir la beauté), ils chanteront ses louanges. Car ils n’aiment rien tant qu’admirer.
Baudelaire a dit mieux que personne le rôle bienfaisant des règles dans la poésie. Ses propos sont aisément transposables au sujet qui nous occupe : « Il est évident que les rhétoriques et les prosodies ne sont pas des tyrannies inventées arbitrairement, mais une collection de règles réclamées par l’organisation même de l’être spirituel. Et jamais les prosodies et les rhétoriques n’ont empêché l’originalité de se produire distinctement. Le contraire serait infiniment plus vrai. »
Etre libre dans la contrainte est un défi d’artiste – au vrai sens, une performance ! Refuser toute entrave est un caprice d’enfant.
Nos zélateurs de la liberté refusent à leurs contradicteurs celle de s’exprimer : le beau paradoxe ! Ils agissent comme s’ils appartenaient à une minorité assiégée alors qu’ils se font les relais de l’idéologie dominante. Celle de la « tabula rasa ». Ou, si vous préférez, de la « BEEEENNNNNNEEEEE ».