Il y a deux ans, la vague Preppy déferlait dans nos magazines. Que reste-t-il de son passage ? Pas grand-chose, comme on pouvait s’y attendre. Il faut dire qu’utilisé sans doigté ou à contretemps, ce style peut facilement se révéler caricatural. L’homme mûr qui l’adopte risque d’avoir l’air d’un vieil étudiant :
Tommy Hilfiger, spécialiste du style Preppy
Sur un jeune homme, l’effet « bourge » est quasi inévitable.
Si influence Preppy il y a, c’est sur la jeune fille/femme qu’elle est surtout repérable. Qui s’en plaindra ? Le look Blair Waldorf, même atténué, est tout de même plus seyant que les « no look » tristes qui dominaient avant.
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Un mot sur Hilfiger : j’aime beaucoup les récentes campagnes publicitaires de cette marque, qui mêlent des mannequins de générations différentes :
Dans la famille Aigle, ne demandez pas, en revanche, la grand-mère ou le grand-père : un gros ours les a avalés à son petit déjeuner :
Décalé, mais pas drôle. Question humour, Aigle ne vole pas haut.
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The Sartorialist me déçoit. De plus en plus de looks et de moins en moins de style ; de plus en plus de femmes et de moins en moins d’hommes ; de plus en plus de jeunes et de moins en moins de personnes mûres ou âgées. Prenez le mois de septembre dernier : les photos dignes d’intérêt se comptent sur les doigts d’une seule main. Encore, le plus beau cliché est-il un cliché vintage :
The Sartorialist, septembre 2012
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Eprouvez-vous, comme moi, le sentiment d’être en décalage – de vivre, comme le disait le poète, « la vie à côté » ? « Qu’importe ! » ajoutait aussitôt celui-ci « J’aime la beauté ! » Moi aussi j’aime la beauté ; pour moi aussi elle est une consolation. Malgré tout, je suis loin d’avoir acquis le détachement de ce poète philosophe. C’est tous les jours que mon époque me blesse. Vous voulez un exemple ? Ces lignes, que j’ai lues dans un quelconque magazine : « Pour Benjamin Patou, le roi des nuits parisiennes, le nom de Jean Patou, son arrière-grand-oncle, n’évoque rien : il ne l’a pas connu et n’en a pas hérité. Alors pourquoi faut-il toujours qu’on lui rappelle sa parenté avec le créateur du parfum Joy ? »
Le nom de son arrière-grand-oncle ne lui dit rien parce qu’« il ne l’a pas connu »… Quel manque de curiosité et de sensibilité ! Et Platon, qu’il n’a pas connu, ça lui dit quelque chose ? « Il n’en a pas hérité »… Quelle goujaterie ! Ce roi plein de divertissement m’a tout l’air d’un triste sire ! Mes jours sont plus beaux que ses nuits – aussi parisiennes soient-elles.
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La jumpology – dont j’ai parlé une autre fois – a de beaux rebonds devant elle ! Certes, les mannequins de Lacoste ont cessé, depuis peu, de léviter… Mais, cette saison, ceux de Cyrillus ont pris la suite :
Cyrillus, catalogue automne-hiver 2012-2013
Qui sait, les mannequins d’Eminence ou de Petit bateau feront bientôt la même chose pour vanter les slips… kangourou ! Et regardez la photo qui ouvrait le supplément Styles de L’Express consacré cette rentrée à l’Homme :
La jumpology ? C’est tout bond !
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Extraits du même supplément Styles de L’Express, ces clichés qui font peur :
Les vêtements sont signés Guillaume Henry, responsable des collections Homme chez Carven. « L’homme Carven est un personnage nouveau mais enraciné, dont l’élégance naturelle le dispute à une certaine maladresse », dit Guillaume Henry, que la journaliste Katell Pouliquen (un bien joli nom - parole de chouan !) surnomme « le petit Nicolas de la mode ». L’emblème de la ligne est un pin’s bonnet d’âne :
« Très second degré », précise la journaliste. Me voilà rassuré. Encore un peu, et j’allais prendre ce petit Nicolas pour Clotaire !
La collection dessinée par Henry nous prouve en tout cas que Slimane n’a pas fini de faire des ravages. A Slimane, je ne saurai jamais gré que d’une chose : d’avoir décidé Karl Lagerfeld à suivre un régime draconien pour pouvoir entrer dans ses vestes ajustées.