Les clichés ont la vie dure. Parlez élégance et l’on vous répond argent, luxe. La confusion est entretenue par les marques de prestige qui ont intérêt à se présenter comme les détentrices des secrets de l’élégance. Celle-ci serait en quelque sorte un domaine réservé aux riches. On a vite fait d’assimiler le beau au cher. Certes, le luxe et l’élégance peuvent se croiser, mais le premier ne saurait être la raison suffisante de la seconde.
« Le contraire du luxe, a dit Coco Chanel, ce n’est pas la pauvreté, c’est la vulgarité. » Il existe pourtant un luxe vulgaire dont on trouve sans effort de multiples illustrations. Cette montre Pasha de Cartier est luxueuse ; quel amateur éclairé la qualifiera de « belle » ?
Un autre exemple ? Ces souliers Berluti sont chers, mais quel élégant les voudrait à ses pieds ?
Et que dire des téléphones portables ou des jantes de voiture incrustés de diamants ?
L’ostentatoire, le m’as-tu-vu – aussi luxueux soient-ils – sont les ennemis de l’élégance. Les princes arabes, couverts d’or et de pierreries, ne sont pas pour cela élégants, non plus qu’un Flavio Briatore dont le mauvais goût est pesant, oh ! si pesant… en euros :
Jérémy Hackett dit très bien les choses : « Quel que soit l’argent que l’on dépense, cela ne suffit pas à faire de soi un gentleman » (Monsieur, n° 48). Car l’élégance ne s’achète pas.
Le luxe rend souvent paresseux. Combien, parce qu’ils y ont mis le prix, se croient dispensés de tout effort ! Ils choisissent des cravates Hermès qu’ils nouent mal (… mais peut-on les nouer bien ?) et qu’ils ne savent pas accorder à leurs tenues. Ils sont chaussés de souliers onéreux qu’ils négligent d’entretenir ; leurs costumes sont griffés, mais il leur importe plus de le faire savoir que de les bien porter.
A l’inverse, nous rencontrons parfois des hommes qui, par choix ou par nécessité, ignorent le luxe et qui, pourtant, sont parfaitement mis. Comment font-ils ? Ils respectent les règles du bien vêtir, ils ont du goût et le sens de l’harmonie, ils ont fait de la discrétion un principe, ils sont imaginatifs.
Non, l’élégance n’est pas l’apanage des riches. Faire l’économie du luxe n’interdit pas d'être élégant. Il existe, on l’a dit, un luxe vulgaire. Mais il existe aussi une simplicité distinguée. Méprisons celui-là. Admirons celle-ci.