Je viens de revoir L’Inspecteur Lavardin du regretté Claude Chabrol. Ce film date de 1986. Le personnage de l’inspecteur (une sorte d’anti Columbo) est incarné par l’impeccable Jean Poiret. Une de ses tenues a retenu mon attention. Je dois vous la décrire car je n’ai trouvé aucune photo ou vidéo qui la montre de façon satisfaisante.
La veste, camel, est en cachemire ; la chemise, à col « français », est bleu clair ; la cravate, bleu moyen, est tricotée ; le pantalon de flanelle est gris ; les chaussettes sont assorties à la veste ; les chaussures (des monks) sont marron. La veste est à deux boutons – un choix adapté au gabarit moyen de Jean Poiret. Les coupes sont belles. On ne relève aucune faute contre le goût ou les usages.
D’où viennent alors mes réserves ? Je crois avoir ma réponse : cette tenue sport tend un peu trop visiblement vers la tenue habillée. J’aime qu’on choisisse clairement son camp. Pour mon goût, je remplacerais volontiers le cachemire par du tweed et la flanelle par du velours; j’introduirais des notes de couleur (par exemple, pochette ou chaussettes) et des motifs, et je substituerais aux monks - modèle par nature ambigu – une belle paire de derbies ou de richelieus en veau velours. Ce genre de tenue est souvent accompagnée de mocassins à pampilles ; c’est dire s’il faut s’en méfier.
Le générique du film nous apprend que « Jean Poiret est habillé par Lanvin ». Dans les années 80, les créations « sport » griffées Lanvin étaient reconnaissables à leur style à la fois épuré et raffiné. Pour ses concepteurs - Patrick Lavoix en tête -, le mot élégance avait un sens. L’objectif, il me semble, était d’inventer un style français fait de beaucoup de mesure et d’un peu de désinvolture. Les résultats furent d’inégale valeur. La tentative ne survécut malheureusement pas au départ de Patrick Lavoix pour Dior.
L’idée que je me fais d’une tenue sport, cette publicité pour Arnys l’illustre assez bien. Encore faudrait-il, pour que cet ensemble me plaise tout à fait, que le temps ait fait son œuvre :
Bien que très différentes, les deux tenues que je viens d’évoquer respectent les codes. Leur confrontation suffirait à prouver que la contrainte des règles n’a jamais empêché le goût personnel de s’exprimer.
A bon entendeur…