Les barbus sont plus nombreux, mais ils ne sont pas légion. Négliger de se raser quelques jours ne signifie pas qu’on est barbu. L’expression « barbe de trois jours » n’a pas de sens. La barbe a besoin de plus de temps pour se déployer.
N’est pas barbu qui veut. Disant cela, je pense moins à ceux que la nature a défavorisés qu’à ceux, plus nombreux, à qui l’activité ou le milieu ne laisse pas le choix.
Où sont nos barbus ? On en trouve facilement chez les artistes (au sens large du terme : par exemple, Amanda Lear, qui a l’esprit plus piquant que le menton (quoique…), emploie également le terme « artiste » pour se désigner ou pour désigner Dali qui fut son Pygmalion…) : chanteurs, comédiens, musiciens…
On en trouve chez les sportifs – les évolutions pileuses étant, dans ce milieu, sujettes à d’incompréhensibles effets de mode (voir, naguère, la vogue des crânes rasés chez les footballeurs). Chez les rugbymen, on pense bien sûr à Chabal dont l’imposante présence a découragé d’éventuels imitateurs.
On en trouve aussi chez les vigiles et les policiers ; dans ce cas, la barbe, tarabiscotée, est avant tout un signe d’appartenance à un corps. Dans les médias, en revanche, elle est une denrée rare. Yves Calvi et Christophe Barbier l’ont tentée, mais de façon éphémère et en profitant du retour des vacances d’été pour faire passer leur audace.
Imagine-t-on un présentateur du 20 heures barbu ? Harry Roselmack ? Exact. Mais, présentateur du JT, il y renonça sous l’effet des nombreuses critiques.
La barbe devient exceptionnelle chez les patrons du Cac 40 ou chez les hommes politiques. Philippe Séguin se la laissa pousser (timidement...), mais je crois me souvenir qu’il avait alors pris sa retraite politique.
Jean-Jacques Aillagon aussi, mais pas quand il fut ministre.
Il y a bien DSK, qui en arbore une, miteuse, ces temps-ci… Cet exemple, au passage, va contre le cliché selon lequel le barbu a quelque chose à cacher. C’était quand il avait le menton glabre que DSK avançait masqué. Aujourd’hui, l’ex-roi du monde est barbu… et tout nu ! A moins que nous ne sachions pas encore tout. Mais cela, je n’ose le penser….
J’insiste : hors le bas du visage, que peut bien cacher une barbe (1) ?... Ou alors, selon la même logique, il faudrait admettre que toute personne chevelue aussi dissimule quelque chose !
L’alternance mentons barbus et mentons glabres rythme notre histoire. Ce constat devrait nous inciter à prendre du recul avec nos préjugés et nos conditionnements. Déterminons-nous plutôt à partir de nos goûts et de notre physique. Et posons-nous la seule question qui vaille : qu’est-ce qui me va le mieux ?
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1. Victor Hugo, grand barbu devant l'Eternel - barbu lui aussi, et auquel Hugo avait une fâcheuse tendance à s'identifier -, disait pourtant : "Que de choses (...) disparaissent sous la barbe : les joues appauvries, le menton fuyant, les lèvres fanées, les narines mal ouvertes, la distance du nez à la bouche, la bouche qui n'a plus de dents, le sourire qui n'a plus d'esprit." Littérature !