J’ai passé l’autre dimanche à La B., station balnéaire réputée « chic ». La semaine précédente, j’étais à P., station plutôt populaire, située à quelques encablures de l’autre. A P., des hordes d'hommes en marcels, pantacourts et sandales. Beaucoup de tatoués. A La B., le triomphe du style Ralph Lauren. C’est plus joli, pour sûr, mais est-ce pour autant élégant ? L’élégance se confondrait-elle avec cette satisfaction de classe parée des mêmes vêtements et affichant les mêmes couleurs ? Le sourire béat du conformisme bourgeois m’est toujours apparu comme une expression convaincante de la bêtise humaine. Grâce au logo, le conformiste assouvit son désir d’humiliation. Il sort ses griffes pour tenir à distance ceux qu’il juge ses inférieurs. Et pour les faire saliver. L’instinct de domination animal affleure sous des manières policées.
Les logos sont des petits signes extérieurs d’aisance, voire de richesse. Petits ?… De moins en moins : d’abord discrets, ils ont eu tendance, ces derniers temps, à prendre du volume.
Ce détail est révélateur d’une relation à l’argent qui, chez nous aussi, s’est décomplexée. Les fortunes se montrent davantage. Notre vieux fonds catholique n’a pas résisté à la vague de l’argent roi. Les rues étroites de nos centres historiques sont encombrées de 4x4 disproportionnés. Nos grands patrons sont parmi les mieux payés au monde. La presse avait surnommé Nicolas Sarkozy « le président bling bling ». Les « derniers catholiques » français sont essentiellement des bourgeois - il faut voir, à La B., la sortie de la messe ! -, comme si la religion n'était plus qu'une affaire de confort, ajoutant aux satisfactions matérielles la quiétude morale.
Je hais le luxe tapageur. Quand je porte un vêtement au logo apparent, c’est vraiment parce que je ne peux pas faire autrement. Ce que je recherche, c’est l'exclusivité invisible. Adopter l’uniforme d’une classe – ça, jamais ! Toutes les formes de conformisme m’exaspèrent. Je ne suis pas assez naïf pour croire qu’il est possible de s’abstraire de toutes les suggestions sociales. Dans la limite de mes moyens – dans tous les sens du terme – (… et mes moyens sont limités), j’essaie pourtant. Mon guide, c’est mon sentiment. Mon secret, c’est cette petite dose d’anarchie qui relève le goût.
L’autre samedi à La B., je me suis installé à une terrasse de café. J’ai vu passer beaucoup de Porsche, de BMW, de Mercedes. Et beaucoup de Claire Chazal. Mais j’ai cherché – en vain – un nouveau Fred Astaire.