L'élégance au masculin : réflexion(s) - conseils - partis pris.
Lu, dans L’Express Styles du 1 au 7 février 2012 (et non 2011 comme indiqué sur la couverture : un magazine de mode qui s’annonce avec un an de retard, c’est le comble !) : « Le costume croisé (…) reprend du service (…). La nouveauté, c’est que le double boutonnage s’invite aussi sur d’autres pièces du vestiaire, notamment le caban (Dior Homme, Gucci, Kenzo ou Paul Smith) ». Quoi ! Un caban à double boutonnage ? Pour une nouveauté, ça, c’est une nouveauté ! Parole de Breton !
Lu, au même endroit, p. 10, à propos du livre de Jean-Jacques Picart (Des Vies et des modes, Carnet de souvenirs), cette leçon de mode du créateur Dries Van Noten : « Je ne reconduis jamais un modèle qui s’est bien vendu. » Un principe de mode, pour sûr - et une aberration.
Le même Jean-Jacques Picart a eu droit à son portrait dans Le Monde (supplément M daté du 11 février 2012). On y apprend, sous la plume de Samuel Loutaty, qu’interrogé sur le retour du manteau, Picart expliqua doctement que « dans les périodes d’anxiété, de doute, les manteaux donnent un sentiment de protection. » La pensée surgelée à la mode Picart ! Comme le dit Loutaty : « Pour la fulgurance, on repassera »…
Le manteau, justement. La période de grand froid que nous avons connue m’a fait ressortir mon vénérable Burberry en Irish tweed (36 ans d’âge). La curiosité m’a poussé à visiter le site de la marque pour savoir quels manteaux on y présentait. Une catastrophe !
Qui de tels produits peuvent-ils séduire ? Immettables aujourd’hui. Alors, dans 36 ans…
J'entends d'ici la critique : « Vous succombez à la nostalgie, le Chouan. » Quand le présent vaut le passé, la nostalgie peut-être douce. On se retourne et l'on adresse un regard de tendresse à celui qu'on a été. Mais quand le présent déçoit, la nostalgie n'est que douleur - la conséquence d'un manque. On ne choisit pas d'être malheureux (enfin, pas moi) ; le malheur s'impose à soi et il faut bien faire avec. Comment peut-on échapper à la nostalgie aujourd'hui ? Je ne vois qu'un moyen : en oubliant le passé.
... Oublier le passé ? Plutôt souffrir !
Deux agacements pour finir :
- La persistance de la mode « veste rase-pet ». La règle, qui rejoint le bon sens, veut qu’une veste dissimule les fesses. Quand la mode aura changé, ces vestes apparaîtront pour ce qu’elles sont : des monstruosités immettables.
Costume Pal Zileri, coll. printemps-été 2012
Les mannequins sont photographiés de face ; s’ils l’étaient aussi de dos, l’incongruité du trop court sauterait aux yeux – on peut du moins l’espérer. Principe d'élégance (et un principe d'élégance vaut bien dix principes de mode) : avant de sortir, ne jamais oublier de se regarder de dos dans son miroir.
- Le gimmick élitaire des gants glissés dans la poche poitrine du manteau. Le père Grandet plaçait bien les siens sur son chapeau ! Mais c’était par souci d’économie. A lire certains blogs, ce détail constituerait le summum de l’élégance par temps froid. J’en connais qui préfèrent avoir les mains abîmées plutôt que de toucher à la paire de gants qui décore leur poitrine. Même l'excellent Michael Alden s’y est mis !
L'inénarrable Lino Ieluzzi. Crédit : Scott Schuman
Allons, allons, les gants ne sont jamais aussi élégants – car ils finissent alors la silhouette – qu’enfilés à nos mains. Terriblement banal et basique, je sais.