L'élégance au masculin : réflexion(s) - conseils - partis pris.
On pourrait analyser de façon serrée les métamorphoses d’une marque jugée ringarde dans les années 90, récupérée par une certaine jeunesse banlieusarde, et devenue depuis une dizaine d’années une star des podiums. Elle fut, sous son label chic Prorsum, l’une des vedettes de la Fashion Week de Londres en septembre dernier. Sous la direction artistique de Christopher Bailey, elle a vu, depuis 2001, son chiffre d’affaires croître régulièrement.
Quel est donc le secret de cette insolente réussite ? Christopher Bailey a compris une chose très simple : une marque qui se coupe de son histoire court à sa perte. Il a su éviter deux écueils : l’immobilisme et la révolution. Entre les deux, la voie était étroite, mais les Anglais, c’est couru, sont d’excellents navigateurs ! Quelle autre marque peut se targuer de plaire aux bourgeois comme aux fashion victims ? Elle n’a pas cessé, non plus, de fasciner des jeunes banlieusards avides de s’accaparer les signes ostentatoires de la réussite sociale. Ce genre de récupération, terreur des enseignes prestigieuses, peut se révéler, en effet, catastrophique : un certain crocodile a failli s’y casser les dents !
Deux « emblèmes burberriens » sont les chevilles ouvrières (… il me plaisait d’introduire cet adjectif dans un billet sur Burberry !) du succès actuel : le trench-coat et le tartan. Ces deux-là, malgré leur très grand âge, ont une santé florissante. Le premier, presque centenaire, n’a jamais eu d’aussi belles couleurs. Le second, bientôt nonagénaire, s’exhibe sous toutes les coutures. Bailey a eu l’intelligence d’appliquer à sa marque une des données essentielles de notre modernité : l’inversion des valeurs. Il a même poussé le principe à l'extrême en faisant jouer, si je puis dire, le premier rôle à une doublure ! Celle-ci en fait trop? Qu’importe ! Plus elle surjoue, plus elle cabotine, et plus le public en redemande !
Chemise en check avec col coupé
Mon propos n’est pas de nier les qualités esthétiques du carreau Burberry. Je crois cependant que la raison du prodige est à chercher ailleurs. A qualité de fabrication égale, où en serait Burberry dépossédé de son tartan ? Celui-ci fonctionne un peu comme une étiquette de prix qui resterait toujours visible sur le vêtement. Combien de clients achètent cette marque d’abord pour son carreau ? Car Christopher Bailey a compris autre chose : la vanité n’est l’apanage d’aucune classe ni d’aucune époque. Mais notre société matérialiste et spectaculaire est moins apte qu’aucune autre à se défendre contre ce cancer. Elle fabrique peu d’anticorps.