L'élégance au masculin : réflexion(s) - conseils - partis pris.
Gentleman est le mot qui nous vient spontanément à l’esprit pour désigner un homme bien éduqué, dont le comportement est irréprochable. Ce mot date de 1558. Il fut calqué sur notre très ancien gentilhomme (1088), mais son sens a bientôt divergé de celui de son modèle. Si gentleman s’impose en France au XIXe siècle (au point qu’être un gentleman soit devenu un idéal), c’est parce qu’il comble un vide. Car, au contraire du gentilhomme, le gentleman peut se passer de titres. En 1866, Amiel confie à son journal : « Chacun peut devenir gentleman, quoique né dans un ruisseau. »
Lord Ribblesdale, John Singer Sargent, 1902
Farid Chenoune écrit (Des modes et des hommes) : « En français (le mot gentleman) n’a guère d’équivalent, sinon, peut-être, le mot « monsieur » quand on l’emploie de manière respectueuse et laudative pour parler de l’homme qui se distingue des autres par sa trempe et sa prestance – c’est un monsieur ». Une notion héritée de notre grand XVIIe siècle paraît toutefois soutenir la comparaison – celle de l’honnête homme.
L’expression naît sous la plume de Montaigne en 1580, mais elle ne prend sa pleine signification que plus tard. Au XVIIe siècle, donc, l’honnête homme représente un idéal qu’une certaine société mondaine a instauré peu à peu contre la grossièreté du peuple et même de la cour. Cet idéal implique un double respect des convenances sociales et des règles de l’honneur. L’honnête homme est poli, cultivé et il sait s’habiller. Il hait le pédantisme : « Le vrai honnête homme est celui qui ne se pique de rien », écrit La Rochefoucauld. Avec cela, il possède des qualités morales comme le courage, le sens de l’honneur et le cœur.
La notion va bientôt déborder l’aristocratie et, fidèle à son origine humaniste, tendre à l’universalité. Car il en va de l’honnête homme comme du gentleman : point besoin d’être noble pour en devenir un.
Aujourd’hui, honnête homme est le plus souvent employé dans le sens d’homme honnête : la dimension sociale s’est effacée au profit de la dimension morale. La notion d’honnête homme mérite pourtant d’être redécouverte quand de multiples exemples (le débraillé de nos contemporains en est un) témoignent du recul de la civilisation.