L'élégance au masculin : réflexion(s) - conseils - partis pris.
Beaucoup d’hommes politiques de premier plan portent des costumes aux épaules surdimensionnées. Pourquoi ? Ma réponse pourra sembler simpliste – je la crois pourtant juste : parce qu’ils pensent que cet artifice va leur donner la carrure de la fonction – la carrure présidentielle.
Largeur d’épaules = pouvoir, force, autorité : la symbolique est primaire, donc apte à parler, pense-t-on, aux Français d'en-bas ou du sous-sol.
Le modèle, c’est de Gaulle.
Dans son cas, le recours à un imposant padding trouvait de multiples justifications : étroitesse des épaules, taille démesurée, longueur du visage… et protubérance ventrale. Ce moyen permettait à son tailleur d’introduire l’équilibre qui manquait à ce physique hors norme. Et puis, ça tombait bien, la mode d’alors était à la silhouette en V.
Depuis, on a vu Jacques Chirac enfiler le costume de son illustre prédécesseur. Mon propos fait formule, mais je dois le nuancer : les costumes du général étaient croisés (pour casser la taille et dissimuler autant que faire se pouvait cette fichue protubérance ventrale…) ; ceux de Jacques Chirac étaient presque toujours droits. Chez de Gaulle, la naissance du padding était indiscernable ; chez Chirac, les extrémités des épaules s’écroulaient, comme dans le cas d’une veste reposant sur un cintre trop étroit pour elle :
Nos hommes politiques tentent de nous faire croire qu’ils ont la carrure de l’emploi. A les voir, on dirait surtout qu’ils nagent dans un costume qui n’est pas fait pour eux.
Prenez Laurent Fabius, Alain Juppé, Dominique de Villepin, Jean-François Copé… Ne demandez pas à ces quatre-là si, pour employer une formule devenue fameuse, ils y pensent en se rasant ; regardez simplement leurs épaules : leur carrure parle pour eux.
Le cas Fabius est éloquent : la largeur affichée de ses épaules a suivi la courbe de ses ambitions. Epaules d’abord à leur place et puis voulant se faire plus larges que celles d’un déménageur :
Un corps flasque enveloppé d’un vêtement trop grand paraîtra plus flasque encore (cas Fabius) ; un corps tonique pareillement recouvert perdra, à l’œil, de sa tonicité (cas Villepin). Car le dynamisme d’une épaule tient moins à sa largeur qu’à sa netteté.
Nicolas Sarkozy offre un autre cas intéressant. Candidat, il nous avait promis d'être le président de la rupture. Pour ça, il a tenu parole ! Des ruptures, il nous en a fait voir - et de toutes les couleurs ! Rupture avec la solennité de sa fonction ("cass'-toi, pôv'con"); rupture avec pas mal de principes chers à sa famille politique d'origine; rupture avec Cécilia; rupture avec lui-même ("J'ai changé")...
Sa prochaine rupture ? Celle, peut-être, avec le peuple français...
Son apparence aussi a montré une rupture : avant, quand "il y pensait" (...et pas seulement en se rasant), il affichait des épaules trop larges. Mais, depuis qu'il est président, ses épaules sont à leur place.
... Ses épaules, oui. Mais lui ?