L'élégance au masculin : réflexion(s) - conseils - partis pris.
« La cravate Hermès fait partie du petit nombre d’exclusivités considérées par tout le monde comme signe de bon goût », écrit Bernhard Roetzel dans L’Eternel masculin. Le succès planétaire d’un produit de luxe français ne peut que nous réjouir. Pourtant…
Parce qu’on connaît votre goût de la belle cravate, on vous a peut-être offert – comme à moi – des cravates Hermès. Vous a-t-on fait plaisir ? Moi, j’ai dit « merci » aux personnes qui me les ont offertes et je les ai portées en leur présence. Par politesse.
D’où viennent donc mes réserves ?
Des motifs, d’abord, qui infirment quelquefois le jugement de « bon goût » prononcé par Roetzel. La fantaisie est une composante de l’esprit français. Elle inspire – ça saute aux yeux – les dessinateurs de Hermès. Mais la fantaisie est fragile. Le mauvais goût la menace constamment et les dessinateurs de Hermès n’évitent pas toujours ce danger. Ce qui passera encore pour de la fantaisie pour un étranger (… un Allemand comme Roetzel par exemple) sera déjà jugé vulgaire par un Français.
Allez visiter le site de la marque. L’esprit de fantaisie y règne en maître. Rien, dans la présentation, n’évoque le luxe. Les illustrations sont traitées dans le genre « dessins d’humour ». Avec certains modèles, on peut voir, comme c’est écrit, « la cravate sur une chemise ».
Le résultat se passe de commentaire....
Les couleurs me laissent souvent dubitatif. Je les trouve rarement « belles ». Mais mon jugement comporte une part de subjectivité si grande que je m’épuiserais à essayer de le justifier. Je n’insisterai donc pas davantage sur ce point et passerai au suivant, d’ailleurs plus décisif.
La cravate Hermès ne fait pas un beau nœud. Je parle de celle en twill de soie – la plus connue et la plus diffusée – et pas de celle en soie lourde dont on ne m’a jamais fait cadeau. J’ai eu beau potasser mon Villarosa (1), je ne suis jamais parvenu à un résultat satisfaisant. Son étroitesse sous le nœud ne permet pas de façonner les deux fronces que j’aime tant. Une fronce, c’est possible, mais il faut se préparer à la voir rapidement disparaître : la soie Hermès (très belle en soi) est glissante ! Le nœud s’écroule vite – défaut rédhibitoire.
Pour ses aficionados (des cadres, des assureurs, des agents immobiliers…), les cravates Hermès sont une garantie d’élégance. Quant à moi, j’ai déposé dans leurs jolis cercueils orange ces témoignages de l’affection de mes proches. Mes cravates Hermès ont rejoint mon cimetière des cadeaux immettables – l’étagère la moins accessible de ma garde-robe. Qu’elles y reposent en paix !
_____________________________________________________________________________________________
1 – Les 188 façons de nouer sa cravate, Davide Mosconi, Riccardo Villarosa, Flammarion.