L'élégance au masculin : réflexion(s) - conseils - partis pris.
Matières.
La soie, bien sûr, soie imprimée, tissée ou tricotée. Et puis la laine. Les cravates en tricot de laine ou en cachemire permettent de remarquables combinaisons. A privilégier avec les vestes/vestons de tweed et les blazers. On ne s’interdira pas d’y avoir recours avec des tenues plus formelles. On laisse dire Tatiana Tolstoï pour qui porter une cravate de laine avec un costume de ville constitue une « erreur gênante » (1) et l’on n’hésite pas à imiter Gianni Agnelli ou Jean d’Ormesson.
Sortes.
La cravate est unie, à rayures, à motifs, à pois.
Unie, on ne la choisira pas lisse et encore moins brillante. Les soies nattées ou grenadine sont à privilégier.
Des rayures club arborées par un continental peuvent mettre à mal le légendaire flegme britannique (2). James Darwen : « Personne ne voudrait porter une cravate club à laquelle il n’a pas droit. Il est considéré comme normal que le membre du club offensé corrige l’offenseur avec un fouet. » Prudence, donc, si vous allez en Angleterre. Chez vous, oubliez vos scrupules et ne vous laissez pas intimider par le susnommé Darwen qui ajoute que sa remarque « vaut aussi sur le territoire français » ! Si, malgré tout, vous craignez de commettre un impair, vous pouvez toujours vous rabattre sur les cravates club fabriquées en Amérique (les Brooks Brothers par exemple) dont les rayures sont inversées.
Les motifs. Si vous y recourez, faites preuve de goût et de tact. Les cinéphiles amateurs d’élégance auront sans doute constaté que, lorsqu’elles s’éloignent d’un strict classicisme, les cravates à motifs sont les premières (avec les cravates trop larges, genre « kipper ties » des années 70) à se démoder. Par « strict classicisme », j’entends le motif cachemire (« paisley »), sous réserve que les proportions du dessin s’accordent avec celles de la cravate. La bonne largeur d’une cravate étant fixée à 8 cm, le dessin cachemire ne saurait être trop grand.
Cravate Howard's aux motifs trop grands. Nonobstant, Howard's est une excellente adresse-net !
Si vous optez pour ce type de cravate, je vous conseille de ne pas la porter avec de l’uni (chemise et costume). Ce sont les débutants (les débutants… ou les artistes – mais ceux-ci n’ont pas besoin de mes conseils !) qui se servent de la cravate pour introduire une note de fantaisie dans leur tenue. En revanche, une cravate à impression cachemire accompagne excellemment une chemise ou une veste à carreaux.
Quant aux motifs coin-coin, meuh-meuh, hi-han, etc. – laissez-les aux amateurs de la marque Hermès.
Les pois siéent bien à la cravate à condition que, là encore, les proportions soient respectées : pas de gros pois, donc, à la Gilbert Bécaud.
Couleurs.
Toutes !
Une réserve toutefois : la couleur rouge – non pas qu’elle soit condamnable en soi, mais parce que c’est la solution de la facilité vers laquelle s’orientent ceux qui ne savent pas ; ceux qui, n’ayant pas l’habitude de porter une cravate, veulent, quand ils le font, que ça se voie… Indispensable : la cravate bleu foncé, qui va avec presque tout, surtout quand elle est en tricot. Ne pas négliger la couleur verte. La combinaison blazer bleu, chemise bleu ciel, pantalon gris, cravate verte, pochette blanche, chaussures brunes est l’une des plus simples et des plus élégantes que je connaisse. Ne pas négliger non plus les couleurs vives, et même très vives, surtout aux beaux jours.
Nœuds.
Les livres spécialisés regorgent de toutes sortes de nœuds. Mosconi et Villarosa en ont même répertorié (pour rire) 188 (3)! Cela me fait un peu penser aux manettes d’essuie-glaces dans les voitures modernes : une foultitude de possibilités pour, au bout du compte, se servir toujours des deux ou trois mêmes vitesses ! Le nœud simple (un ou deux passages) et le demi-Windsor me suffisent amplement. Je varie selon les cravates (leur longueur, leur épaisseur) et le col de ma chemise (« italien » : nœud plus gros, ou « français »). Gros nœud ou petit nœud ? La question est délicate – pour ne pas dire vicieuse (excusez-moi…) Sur le sujet, ma religion n’est pas établie. Je me souviens que, dans Correspondant 17, Herbert Marshall arbore un noeud que d’aucuns jugeraient trop fin et trop serré mais qui, sur lui, est, à mon sens, impeccablement élégant.
Assortir.
Il n’y a pas de règles… On fait avec ce qu’on a, on s’adapte à l’occasion, on laisse parler son humeur… Tout est possible, ou presque : assortir la cravate à la chemise, au costume, au pantalon (dans le cas d’une tenue dépareillée), aux chaussettes… Jouer sur les camaïeux, les complémentaires, les contrastes… L’important, c’est que, d’une manière ou d’une autre, la cravate s’intègre dans l’ensemble. Qu’elle n’ait pas été choisie pour attirer à elle seule les regards. Attention : s’intégrer dans l’ensemble ne signifie pas être terne. Par exemple, l'été, une cravate jaune vif, accompagnée d’une pochette comportant un peu de jaune ou de chaussettes de la même couleur, pourra se révéler un excellent choix. Ne pas oublier que les couleurs se rappellent et se répondent ; à nous de les écouter et de comprendre ce qu’elles disent.
Détails.
Ils font la différence, on le sait bien. Ils introduisent une touche de fantaisie. Ils sont des clins d’œil destinés aux seuls initiés. Parfois même, ils n’ont de valeur que pour soi – invisibles aux regards. Mon intérêt pour les détails a varié dans le temps : tels qui retenaient mon attention voilà quelques années m’indiffèrent aujourd’hui. J’ai redécouvert récemment la pince à cravate, discrète, à placer assez bas, droite ou en biais, qui, au-delà de son aspect pratique, permet de faire joliment onduler le pan visible de la cravate. D’autres détails ? La cravate en forme d’arc (dite parfois « Agnelli »).
A recommander dans le cas d’une chemise à angle de col très ouvert. Le port d’un gilet ou d’une pince en facilite le maintien. Pour y arriver, on serre virilement (4) en tenant le nœud à l’horizontal. Autre « détail » : j’aime assez que les deux pans soient placés côte à côte. Ainsi, la cravate se rapproche du foulard. Elle acquiert du mouvement. Elle a l’air dans le vent. Si vous avez de l’embonpoint et que vous avez l’habitude de porter votre veste ouverte, cette solution, qui habille le devant de la chemise, est à privilégier.
Et puis, bien sûr, quand je noue ma cravate, je n’oublie jamais de faire apparaître, juste sous le nœud, une fronce (légèrement décentrée) ou, mieux, deux.
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1. De l’élégance masculine, Tatiana Tolstoï, L'Acropole.
2. « (Scott Fitzgerald) portait une chemise blanche avec un col boutonné et la cravate d'officier de la Garde. Je pensais que je devrais peut-être lui toucher un mot au sujet de cette cravate car il y avait des Anglais à Paris et l'un d'eux pourrait bien entrer au Dingo - en fait, il s'en trouvait déjà deux dans le bar - mais je me dis que ce n'était pas mon affaire », Paris est une fête, Hemingway.
3. Les 188 façons de nouer sa cravate, Mosconi et Villarosa, Flammarion.
4. Beaucoup trouveraient que je maltraite mes cravates. Mais combien en voit-on qui, par crainte d’abîmer les leurs, vont avec des nœuds mal serrés ?