L'élégance au masculin : réflexion(s) - conseils - partis pris.
Il y a les parodistes. Leur posture est à la mode. On se souvient de l’ironie que requerrait, selon la journaliste Elvira Masson, la redécouverte par « les néo-minet(te)s » du Barbour. Comme en écho à cette recommandation, voici ce que Gonzague Dupleix répondait à la question : « Comment porter un classique à la cool (sic) ? » dans une Style académie de GQ : « A contre-emploi. Déjà, au printemps vous aviez noté que la veste de chasse avait plus d’allure sur un mec (re-sic) un peu rock que sur une grenouille de bénitier. Cet été, les pièces que vous considérerez vous-même comme en voie de réhabilitation, adoptez-les avec une distance décontractée : jean usé, paire de tennis, polo. On écorne ainsi la symbolique sociale d’un vêtement à qui on offre une deuxième chance (1). » L’entreprise est faussement risquée puisque la plupart des classiques qu’on est censé détourner (Barbour, veste matelassée, blazer, chino…) ont une personnalité esthétique qui se suffit à elle-même. Certains qui se les accaparent réussissent néanmoins le prodige de verser dans le grotesque.
"La tendance s'amuse des codes de la bourgeoisie", Les Inrocks, n°775. Photo E. Rancurel
Le vrai défi consisterait à parodier le beauf en tentant d’échapper soi-même au ridicule. En gros, à s’habiller en Deschiens sans avoir l’air d’en être un. Courageux mais pas téméraire, je laisse à d’autres le soin de le relever.
Le cas de l’autoparodiste mérite d’être mentionné. Poussé par l’envie irrépressible de se faire remarquer, il tire la reproduction de son style vers la franche caricature. Jean-Pierre Coffe et Serge Moati en sont de criantes – et criardes – illustrations. Reconnaissons-leur au moins une qualité : l’autodérision, dont ils font, hélas ! un mauvais usage.
Passons sur le cas des parodistes involontaires, qui font rire à leur dépens ; « Oh ! pardon ! Je croyais que c’était de l’humour ! »
Il y a les pasticheurs – ceux qui s’habillent « à la manière de… » Un bourgeois, par exemple, va s’habiller en bourgeois. Cela va de soi tant le conformisme est, pour un bourgeois, une seconde nature. Par définition, le bourgeois est satisfait. Satisfait d’être bourgeois ! Les snobs, qui l’imitent sans posséder son aisance, le confortent dans sa satisfaction. Il est la référence : lui est, lui sait, lui peut.
Le pastiche peut avoir une justification moins sociale qu’esthétique : on s’approprie un style qu’on juge beau ou fait pour soi. Ainsi Edouard Balladur du style anglais.
Chez les plus jeunes, la justification est plutôt d’ordre psychologique : la conformité à un style – conséquence, souvent, de l’admiration pour une vedette – n’est qu’une étape dans la formation de sa personnalité.
Le parodiste m’agace quand son jeu lui sert visiblement de prétexte à faire le beau (… et souvent, au vrai, le laid !) « Jouez-la ceci, jouez-la cela… » nous exhortent les magazines… et les fashion victim qui arpentent nos rues de se la jouer, en effet… Le pasticheur ne m’intéresse pas davantage quand il reproduit servilement – quand il vole et, pour ainsi dire, plagie. Tout autre est la démarche du pasticheur qui imite pour comprendre, procédant alors, pour paraphraser Proust, à « une critique vestimentaire en action ». Je parierais volontiers qu’avant de trouver leur style propre, Bruce Boyer et Michael Alden ont beaucoup pastiché Fred Astaire. L’hommage au modèle s’est peu à peu transformé en quelque chose de plus personnel. L’influence est encore là, mais elle est comme intériorisée, surmontée – sinon transcendée.
Admettons, enfin, que la frontière qui sépare la parodie du pastiche est parfois ténue. Tous autant que nous sommes, ne sommes-nous pas, à des degrés divers, des parodistes involontaires ou des pasticheurs plus ou moins talentueux et assumés (2) ?
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1. GQ, numéro de juin 2011.
2. A propos, dans quelle catégorie placeriez-vous Marc Guyot ?