Jack Lang : Regardez-moi !
Le 15 décembre 2010, sur Le chouan des villes

D’une prestation télévisée à l’autre, les tenues de Jack Lang ne varient guère : costume gris anthracite aux épaules très marquées et aux revers étroits ; chemise rose ou mauve à col dit « anglais » (tab collar) ; cravate sombre, longue et étroite. Parfois, la chemise est à carreaux Vichy ; parfois encore, le col anglais n’est pas fermé par une cravate.


 

Cette façon de faire défie le bon sens, la patte de col se devant d’être dissimulée. Mais Jack Lang est un esprit éclairé : il se moque des évidences. Comme il ignore la gratuité.

Pour lui, le vêtement est un outil de communication. Quand, en 1981, il créa un scandale microcosmique à l’Assemblée nationale en arborant un costume Mugler à col Mao – donc, pas de cravate -, ce n’était pas – quoi qu’il ait dit – pour faire bouger les codes ni pour mettre en valeur le travail d’un «créateur ». De même, pourquoi croyez-vous qu’il revêtait à chaque pèlerinage païen de Solutré un pull aux invraisemblables motifs ?


 

Encore devait-il jouer des coudes pour être à la droite de « Dieu »… et dans le champ des caméras ! Car faire parler de soi, se montrer sous toutes les coutures - fût-ce au prix du ridicule - sont ses obsessions depuis toujours... Vanité du courtisan. Vanité de Jack Lang.

Communication encore que cette chemise dont la couleur habituelle – le rose – est le symbole de ses idées politiques. Porter du rose, c’est aussi un moyen d’afficher sa connivence envers une minorité qui a fait de cette couleur un signe distinctif.


Jack Lang dans les années 80. Plus ridé qu'aujourd'hui.

 

La chevalière, qu’il a glissée à l’auriculaire de la main droite, prête à une autre double lecture. On peut le croire lorsqu’il confie à Mireille Dumas qu’il la porte par attachement à son père à qui elle appartenait (1). Mais comment ne pas voir, dans l’adoption de cette chevalière maçonne, ornée de trois pyramides légèrement superposées, un attachement d’un autre ordre ? « Frère », Jack ? Peut-être que si, peut-être que non… Comme François Mitterrand, son maître, Jack Lang se plaît à cultiver l’ambiguïté, pourvu qu'elle serve ses intérêts.


Costume (et cran...) Mugler

 

Ses costumes et ses chemises sont bien coupés. Mais l’élégance n’est pas sa priorité. Son but, c’est de paraître plus jeune. Pour tenter de l’atteindre, il y a mis le paquet : peau du visage ultra-tendue ; bronzage permanent ; cheveux teints et en partie replantés ; front outrageusement botoxé ; dents refaites et blanchies… Le résultat ? Comme tous ceux qui ont cru aux faux miracles des charlatans de l'esthétique, Jack Lang n’a plus d’âge. Il n’a plus de visage non plus, mais, à la place, un masque inexpressif - figé comme un masque mortuaire. Le beau travail ! La lutte contre le temps qui passe est d’avance perdue. « Demain comme hier », dit le titre d’un de ses plus récents ouvrages (voir première photo). Mais non, Jack, demain n’est jamais comme hier ! "Laissons à la belle jeunesse / Ses folâtres emportements. / Nous ne vivons que deux moments ; / Qu'il en soit un pour la sagesse", chantait le vieux Voltaire. 

 L’élégance implique unité et authenticité – deux qualités dont Jack Lang me semble dépourvu. Entre son apparence et son âge, entre sa voix et ses gestes, entre son sourire et son regard… quelque chose cloche ; il y a comme un hiatus. Costumes soigneusement choisis ; texte récité ; gestuelle et diction maîtrisées – cet homme est constamment en représentation ; il joue un rôle. Plus exactement, Jack Lang joue à être Jack Lang. Indépassable ministre d’une culture… qu’il a défigurée ; génial créateur d’une fête de la musique… qu’il n’a pas inventée ;  prolifique auteur de livres... qu'il dit avoir écrits; inoubliable ministre d’une Education nationale… qu’il a abaissée… Comme tous les mauvais acteurs, Jack Lang a une fâcheuse tendance à surjouer. Ce défaut en a fait une des cibles favorites des imitateurs - mais quoi de plus facile que de caricaturer une caricature ? Cela dit, Jack Lang, à qui il est arrivé jadis de monter sur scène, n’a jamais prétendu être un bon comédien. Il est cependant un rôle où je suis sûr qu’il ferait des merveilles : c'est celui d’Arlequin.

_________________________________________________________________________________
1. Vie privée, vie publique, FR3, 25 juin 2010. 

Commenter cet article
Partager cet article
Vous aimerez aussi
Le chouan des villes est chez Overblog
Créer un blog gratuitement
json='{"environment": "amp"}'