Sur le chapitre de l’élégance, nos hommes d’Etat ont beaucoup à apprendre. Enfin, la grande majorité d’entre eux. Deux figures du passé récent pourraient les inspirer : Anouar El Sadate et Hassan II.
Anouar El Sadate avait, comme on dit, un profil de médaille.
Celui d’un pharaon. Il émanait de lui une noblesse naturelle qui rendait superflu le recours à l’artifice. Aussi sa mise était-elle d’une grande simplicité : costumes droits, chemises blanches à angle de col assez ouvert et à poignets mousquetaire, cravates à motifs ou à rayures assorties au costume. Le tout provenait d’Angleterre. Une élégance intemporelle, si ce n’est les motifs assez grands des cravates qui trahissaient les années 70. Le port de tête, fier, pour ne pas dire royal, était souligné par le col de chemise qui, comme chez le prince Charles par exemple, dépassait largement le (bon) centimètre habituellement conseillé.
Il se tenait très droit, portait le menton assez haut et ne se départait jamais d’un air de dignité. Son allure n’avait pas échappé à Valéry Giscard d’Estaing qui, dans ses mémoires (Le Pouvoir et la vie), l’évoque en ces termes : « Parmi les dirigeants de l’époque, le président Sadate était celui qui avait le plus d’allure (…) il était grand, élancé (…) avec (…) une silhouette et un maintien d’officier anglais. »
L’élégance du roi Hassan II était plus « orientale ». Plus tape-à-l’œil. Bagues (généralement deux), bracelet(s), montre à bracelet en or, pince de cravate, fume-cigarette, pochette… Les accessoires étaient nombreux. La gomina – dont il usait et abusait – l’aidait à plaquer sur le sommet du crâne une mèche « à la Giscard ». Avec ça, il réussissait néanmoins le prodige de n’être jamais vulgaire.
Sa gestuelle était empreinte d’une grande délicatesse, voire d’une certaine féminité. Sa voix douce, onctueuse, était à l’unisson. Quand il s’exprimait dans notre langue, c’était avec le souci du mot juste, de la tournure syntaxique idoine. L’affectation n’était pas loin et je n’irais pas jusqu’à dire qu’il sut toujours l’éviter.
Il n’était pas grand (il portait des talonnettes), mais, se tenant droit et étant mince, il ne manquait pas d’allure. Une allure déliée, souple, féline. Ses costumes, Smalto, dessinaient nettement sa silhouette. Une ligne idéalement adaptée à sa complexion.
« Le style, c’est l’homme », aimait-il à répéter, attribuant, au passage, à Pascal cette sentence de Buffon. Le style de Hassan II était celui d’un homme épris de perfection. Obsédé, même, par elle.