Jusqu'aux tribulations de DSK à New York, Benjamin Brafman était pour moi un parfait inconnu. Les chaînes d'info en continu nous ont rendu familiers sa silhouette trapue et son visage fermé. Déformation d'amateur, j'ai bien sûr remarqué le soin qu'il prêtait à sa mise. Un détail, surtout, a retenu mon attention : cette épingle fixée entre les tombants de son col de chemise, à la façon d'un Fred Astaire. Pas banal de nos jours - pas plus aux Etats-Unis qu'ici.
Un article du Monde signé Marion Van Renterghem (édition du 5-6 juin) m'en a un peu plus appris sur les goûts vestimentaires de Brafman : "Il aime mélanger les cravates "flashy" de chez Talbott et les costumes classiques de Paul Stuart ou de Ralph Lauren". Et cette anecdote, impossible à transposer en France avec un avocat comme héros : "Les lecteurs du New York Times ont même eu la surprise, il y a quelques années, de découvrir parmi d'autres clients sa photo sur une publicité de Paul Stuart, son tailleur préféré de Madison Avenue : Benjamin Brafman en mannequin vedette, sur un quart de page."
Avoir de bons fournisseurs ne suffit pas à rendre quelqu'un élégant : le "cas" Brafman m'offre l'occasion de le répéter. Sa petite taille (1,68 m) est moins en cause que son absence de cou, la grosseur de sa tête et la longueur de son buste. Et puis, certains choix sont peu judicieux, qui feraient presque douter de la qualité des fournisseurs en question ; je songe à la longueur exagérée des manches de veste et à la hauteur des cols de chemise qui, sur un cou très court, produit inévitablement un effet minerve.
Le costume ne sied pas à toutes les complexions. Je me rappelle m’être déjà fait la remarque en voyant Lino Ventura. Il avait beau être habillé par Cifonelli et appliquer les usages du bien-vêtir, ce n’était pas, à proprement parler, un homme élégant. Sur lui, la cravate ressemblait à une erreur. Difficile – même pour un grand acteur – de jouer les bourgeois avec un physique de déménageur.
Prenez Amicalement vôtre. Imagine-t-on Dany Wilde dans les costumes de Brett Sinclair ?
Il faut faire avec ce que la nature nous a donné. Un pitbull (auquel Brafman me fait penser) n’aura jamais l’allure d’un lévrier ! Il vous est sûrement arrivé, comme à moi, de renoncer à acheter un vêtement qui vous faisait envie en vitrine parce que, une fois sur vous, vous avez constaté que, tout simplement, il n’était pas fait pour vous.
De même, certaines modes vont mieux aux uns qu'aux autres. Le costume des années 60 allait mal au chanteur Claude François. Le mauvais goût des années 70 semblait, en revanche, avoir été fait pour lui !
- Très bien, me direz-vous, mais Brafman est un avocat et, pour un avocat, le port du costume est une obligation.
Vous avez raison. La combinaison de garagiste lui irait sûrement beaucoup mieux, mais je doute qu’une reconversion de ce genre le tente. Tant pis pour les esthètes. Et pour Nafissatou Diallo.
Benjamin Brafman, un avocat élégant ? La cause n'est pas gagnée.