Certaines professions ont longtemps joui d’une réputation d’élégance : les banquiers, les commissaires-priseurs, les avocats, les architectes, les professeurs de médecine… Cette réputation souffrait, à coup sûr, de multiples exceptions. Elle était cependant assez fondée pour avoir traversé des générations : une abondante littérature en témoigne. Des caractéristiques vestimentaires ont même été attachées à certains de ces métiers : le nœud papillon pour les avocats, les professeurs de médecine et les architectes ; une certaine rayure de costume pour les banquiers.
Vous l’avez sans doute remarqué : je parle au passé. Car, dans ces professions aussi, les codes ont changé. Connaissez-vous beaucoup d’architectes adeptes du nœud papillon et beaucoup de banquiers habillés en banquier ? Quant aux avocats… J’aime beaucoup regarder Faites entrer l’accusé, l’émission que Christophe Hondelatte consacre aux grandes affaires criminelles. Mais si je la regardais dans l’espoir de trouver des idées de tenues élégantes chez les avocats interrogés, je serais bien déçu !
Les exceptions ont changé de camp : ce sont les médecins, les banquiers, les architectes bien habillés qui, maintenant, étonnent. Et, pour ainsi dire, détonnent. La dernière fois que j’ai vu un banquier vêtu d’un costume rayé bien coupé, c’était, au moment de l’affaire Kerviel, Daniel Bouton, alors directeur de la Société Générale. Cela ne suffisait d’ailleurs pas à le rendre élégant. Quels esculapes médiatiques actuels sont bien habillés ?... Et quels avocats ? Naguère on aurait cité Paul Lombard ou Robert Badinter. Mais c’était naguère… Le premier est né en 1927 et l’autre en 1928… Aujourd’hui ? On peut penser à Karim Achoui, qui, visiblement, prête attention à sa mise :
Cela dit, son élégance est aussi douteuse que ses fréquentations : trop concertée et trop mode pour être convaincante. Des costumes de prix, assurément, mais pas sur mesure : la griffe plutôt que le style.
Précisons que Karim Achoui, condamné en décembre 2008 à sept ans de réclusion dans la fameuse affaire Ferrara, n’a plus le droit d’exercer sa profession.
A propos, il serait intéressant d’étudier les conséquences vestimentaires qu’ont pu entraîner en France et ailleurs les accointances de certains avocats avec les voyous : voir les costumes de truand portés par les avocats marrons dans les films noirs des années trente et quarante. Chez les uns et chez les autres, le même goût de l’ostentatoire et de l’exagération. Mais chez les beaux mecs aussi l’élégance n’est plus ce qu’elle était : le blouson de cuir sombre a remplacé le manteau de cachemire beige clair ; plus de costume croisé aux trop larges rayures, mais un banal pull et un vulgaire jean… Ce serait plutôt du côté de certains rappeurs – parfois eux-mêmes gangsters - qu’il faudrait chercher les dignes héritiers des princes de la Haute d’autrefois.
De nombreux commissaires-priseurs, en revanche, perpétuent une respectable tradition d’élégance. Faillir à cette tradition relèverait en quelque sorte de la faute professionnelle. Les commissaires–priseurs fréquentent quotidiennement le passé et la beauté. Un tel voisinage favorise l’élégance, qui est avant tout une affaire de culture et de goût.
Voici, en guise de conclusion, quelques illustrations parlantes.
Architectes.
Hier :
Aujourd'hui :
Avocats.
Hier :
Aujourd'hui :
Pour le plaisir des yeux, deux représentations de la figure de l’avocat dans des films des années cinquante :
Jean Gabin (et,accessoirement, Brigitte Bardot), dans "En cas de malheur"
Louis Calhern (et, accessoirement, Marylin Monroe) dans "Quand la ville dort"
Commissaires-priseurs.
François de Ricqlès, vice-président de Christie's