Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 janvier 2010 1 11 /01 /janvier /2010 09:30

Le trench-coat est à la mode. Il tient le haut du pavé urbain. Les jeunes fashionables le choisissent de préférence court  (au-dessus du genou) et coloré (bleu ou noir). Les connaisseurs en pincent plutôt pour un trench plus fidèle à l'original.

 

alexandre-photo-booch-copie-1.jpg(Avec l'aimable autorisation de Philippe Booch)


 Ce vêtement est apparu au cours de la terrible guerre des Boers (1895-1902) où il fut adopté par les troupes britanniques d’occupation. En 1914, il habillait les soldats Anglais confrontés à l’horreur des tranchées. D’où son nom : « trench-coat » - littéralement, « manteau de tranchée ». Burberry et Aquascutum s’en disputent la paternité un peu comme Bretons et Normands revendiquent le Mont-Saint-Michel. C’est dire si le débat n’est pas près d’être clos. Chacune de ses nombreuses caractéristiques a  une raison pratique : le bavolet de dos pouvait se rabattre et servir de capuche en cas de pluie ; celui de devant, renforcé, protégeait l’épaule du recul du fusil ; des rabats intérieurs de jambe servaient à aller à cheval ; un bouton condamnait la fermeture de la poche afin d’éviter que l’eau n’y entre ; un autre bouton, en bas de la doublure, permettait, par grand vent, de fixer le côté droit au côté gauche ; les poignets réglables empêchaient l’air et l’eau de pénétrer ; le soldat fixait ses jumelles aux épaulettes et ses grenades aux anneaux de cuivre de la ceinture.

Qui sait tout cela ne devrait jamais enfiler un trench sans se sentir un imposteur ! L’ignorance épargne ce genre de scrupules. Les caractéristiques à visée d’abord pratique ont fini par acquérir une valeur esthétique. Le trench offre un exemple intéressant de vêtement au départ fonctionnel et devenu, à cause de sa forte personnalité, un classique du vestiaire masculin.

Son pedigree militaire aurait largement suffi à asseoir sa réputation. Le cinéma va en faire une « star ». Qui ne se souvient d’Humphrey Bogart, sanglé dans son trench, dans Casablanca ?


HB2

 

Il devient, par la suite, accompagné le plus souvent d’un Borsalino, le vêtement obligé  des « privés » du grand écran. Dans l’imaginaire populaire, il est à lui seul – comme par métonymie - le symbole du détective. La parodie achève de le consacrer dans ce rôle symbolique : quand il file sa femme dans On ira tous au paradis, Jean Rochefort porte un trench – parodie de parodie, puisque son interprétation est un clin d’œil à celle de Peter Sellers, alias l’inspecteur Clouseau, dans La Panthère rose.

Policiers, détectives, malfrats… les frontières entre les mondes des uns et  des autres sont poreuses. Le trench le dit à sa manière : dans Le Samouraï, par exemple, il est porté par le tueur à gages Costello, merveilleusement incarné par Alain Delon :


Alain-delon-trench-samourai

 (A l'arrière-plan, l'adorable Cathy Rosier)


Dans « la vraie vie », on l'a vu, par exemple, sur les épaules d’un ancien premier ministre qui, grâce à lui, perpétuait le souvenir de son glorieux passé de résistant (il était, couleur kaki, l'unique manteau de Jacques Chaban-Delmas) ou sur celles d'un grand écrivain qui se plaisait à cultiver une vague ressemblance avec Humphrey Bogart (« Si on me demande de parler de (Camus), disait Roger Grenier, tout ce que je trouve à dire, ce sont des choses comme : "Il portait toujours un imperméable" ») :


albert-camus

 Albert Camus


Mais il ne va pas à tous les hommes. Si vous êtes petit et enrobé, passez votre chemin ! Il peut faire un certain effet, en revanche, sur une morphologie athlétique et longiligne. Si vous êtes dans ce cas (heureux homme !), attention toutefois à ne pas trop lui serrer la ceinture (nouez-la négligemment, à la façon de Bogart). Proscrivez toute autre couleur que le mastic et choisissez-le descendant au-dessous des genoux. Il faut, enfin, qu’il ait un air fripé, fatigué. Pour arriver à ce résultat, voici, à simple titre indicatif, la recette du génial James Darwen (Le Chic anglais) :

1. Achetez cinq kilogrammes de tourbe chez votre fournisseur habituel.
2. Remplissez votre baignoire d’eau bouillante.
3. Ajoutez la tourbe.
4. Plongez votre trench-coat Aquascutum dans ce mélange et laissez-le mijoter pendant vingt-quatre heures.
5. Avec l’aide de votre fils aîné, essorez toute l’eau du trench-coat en le tordant vigoureusement en huit. Dénouez-le et replongez-le dans la même eau pendant vingt-quatre ou trente-six heures supplémentaires.
6. Enlevez la boue, essorez l’excès d’eau, placez le trench-coat sur un cintre que vous accrocherez à votre balcon.
7. Ignorez les cris de rage des troggies dans la rue.
8. Enlevez la tourbe de la baignoire et donnez-la pour jouer à vos enfants en leur recommandant de ne pas la jeter du balcon sur la tête des passants (quelque chose auquel ils n’avaient même pas pensé).
9. Téléphonez au plombier pour venir déboucher l’écoulement de la baignoire bloqué par la tourbe.
10. Sortez un peu pour regarder vos fils jeter la tourbe sur la tête des passants.
11. Quelques jours plus tard, brossez le reste de tourbe du trench-coat. Vous pouvez le porter. Avec fierté.
12. Deux semaines plus tard, rappelez le plombier pour venir libérer l’écoulement de la baignoire, et ceci toutes les deux semaines jusqu’à satisfaction.

 

Cela dit, le trench-coat est-il un vêtement élégant ? Je dois vous avouer mes doutes. Son histoire et sa légende font rêver. Mais combien qui se sont offert leur rêve ont fini par le regretter ? Et quand ce rêve a pour nom Burberry, y succomber coûte cher… Je trouve que ce vêtement originellement militaire sied mieux, étrangement, aux femmes qu’aux hommes. Encore faut-il qu’elles soient grandes et minces – bref, qu’elles aient une allure plutôt masculine. Les exemples d’actrices qui ont su le porter abondent : Greta Garbo, Marlène Dietrich, Lauren Bacall, et, plus près de nous, Charlotte Rampling, Jane Birkin… Enveloppée de son trench, Audrey Hepburn était l’élégance et la grâce incarnées. J’aime particulièrement cette photo qui la montre, accompagnée d’Hubert de Givenchy, flânant sur les quais de Seine :

 

audrey hepburn givenchy trench

 

Je faillirais à mon devoir d’exhaustivité si j’omettais de dire que le trench-coat pouvait être aussi un objet de fantasmes. Les métamorphoses de ce vêtement sont vraiment étonnantes ! Qu’on en juge au chemin parcouru entre le début et la fin de cet article – de la boue des tranchées à la tendre guerre en talons aiguilles et porte-jarretelles. 

Partager cet article
Repost0

commentaires

P
<br /> C'est agréable de voir une de mes photos illustrer cet article.<br /> <br /> Pour ma part, mon trench est kaki et je l'aime beaucoup, même s'il pèse lourd et qu'il compte trop de poches, je le garde !<br /> <br /> <br />
Répondre
G
<br /> Excellent article. Le mode op de James Darwen m'a bien fait rire. Où êtes vous allé dénicher cela ?<br /> <br /> Je pense que beaucoup trouvent le trench moins élégant qu'autre chose pour son uniformité. Difficile de combiner les vêtements quand un seul d'entre eux vous couvre du cou à la mi-cuisse.<br /> <br /> Mais selon moi sa force n'est pas dans l'élégance mais dans le côté viril qui en émane. Et pour certains d'entre nous, c'est ce qu'on cherche à privilégier dans nos mises.<br /> <br /> Michael Caine dans Get Carter illustre bien le pouvoir du trench (il y avait aussi cet article dans The Rake n°3 ou 4 qui en analysait le "dresscode") :<br /> <br /> http://images.easyart.com/i/prints/rw/lg/2/3/Celebrity-Image-Michael-Caine-in-Get-Carter-238092.jpg<br /> <br /> http://www.cinemademerde.com/Get_Carter-carter.gif<br /> <br /> <br /> Bien à vous,<br /> Geoffrey<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> James Darwen, Le Chic anglais.<br /> J'ajoute la référence dans mon billet.<br /> <br /> <br />
J
<br /> Il est vrai que j'en ai acheté un l'été dernier parceque je trouvais ça chic! et tendance.. ceci dit, avec le col relevé, cela procure un certaine élégance tout de même, mais c'est pas le plus<br /> élégant, loin de là!<br /> <br /> <br />
Répondre

Présentation

  • : Le chouan des villes
  • : L'élégance au masculin : réflexion(s) - conseils - partis pris.
  • Contact

Recherche

Me contacter

lechouandesvilles{at}gmail.com

Liens Amis

Catégories