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7 janvier 2014 2 07 /01 /janvier /2014 06:02

L’autre dimanche, à la fin d’un Masque et la plume consacré au cinéma, Eric Neuhoff a recommandé la lecture du plus récent numéro de SchnockJérôme Garcin lui a emboîté le pas – et tous les deux de faire l’éloge de cette revue décalée.

Schnock…  Cette évocation inopinée m’a remis en mémoire un épisode que j’aurais préféré tout à fait oublier.


schnock-7.jpgSchnock, n° 7

 

Le 7 mars 2013, un collaborateur de la revue m’envoie un mail pour me demander la différence entre le gentleman-farmer anglais et le gentleman-farmer français car il souhaite écrire un article sur le sujet. Il ajoute qu’il ne manquera pas de « m’associer aux remerciements » pour les informations fournies. Le sujet ne m’inspire pas plus que ça ; je ne le lui dis pas et, aimablement, le 12 mars, je lui réponds ceci :


Cher Monsieur,

La question est de savoir s’il existe un « gentleman-farmer » à la française ! Cette notion est une évolution de l’anglomanie dont l’esprit des élégants français est imprégné depuis le XVIIIe siècle. Le modèle fut d’abord le gentleman tout court – et non le « gentleman-farmer ». Je crois savoir (mais je ne suis pas historien !) que cette notion de « gentleman-farmer à la française » s’est forgée au XXe siècle, période où la mode s’est décontractée et où la recherche du confort est devenue une priorité. Le « gentleman-farmer » et ses vêtements aux motifs variés (damiers, losanges, jacquard…), et ses tweeds et flanelles fatigués a pu alors faire figure d’idéal pour des Français qui pensaient qu’en Angleterre l’herbe était forcément plus verte (… ce en quoi, dans un sens, ils n’avaient pas tort !) Les tenues décontractées, d’abord réservées à la campagne et au week-end, se sont peu à peu imposées en ville – voir, par exemple, la vogue du Barbour et du style « rus in urbe » dans les années 80. Précisons que ce style n’a jamais intéressé que les classes privilégiées.

Vous dites qu’il a disparu. En 2003, dans son très discutable « Chic au masculin » (Hachette), Corinne Lechevalier en faisait encore un des 8 styles possibles, avec les styles « écolo nature », « élégant mondain »,  « élégant classique », « bourgeois bohème », « dandy »,  « sportswear chic » et « sportif ».

Le « gentleman-farmer à la française » est-il autre chose – s’il existe ! – qu’une imitation plus ou moins réussie de l’original ? Le « faux-Anglais » est toujours passé aux yeux des vrais élégants français pour le comble du mauvais goût. Aux yeux des Anglais aussi, ce qui se conçoit très bien : voir les moqueries de James Darwen sur ces Continentaux qui singent les indépassables gentlemen anglais (« Le Chic anglais », Hermé). Farid Chenoune (« Des hommes et des modes », Flammarion) se fait l’écho de cette tradition quand il écrit au sujet du « gentleman-farmer à la française » en général et de Philippe Noiret en particulier : « Ce que l’élégant « néo british » est à Scott Fitzgerald, le gentleman-farmer à la française l’est à son modèle britannique, par une sorte de reconstitution à la Viollet-le-Duc. L’acteur Philippe Noiret en sera la figure la plus achevée, plébiscité par la presse pour avoir fait sortir le répertoire des vestes de tweed et de cachemire aux tons d’automne, les chaussures de chez Lobb, les casquettes de chez Hilditch and Key, du ghetto « antiquaire aux puces » ou « week- end en Sologne » où depuis des années le genre se morfondait. »

Cette critique me semble très injuste. Comme j’ai essayé de le dire dans l’article auquel vous faites référence, le style de Noiret n’est pas réductible à ce cliché. Je comprends néanmoins que Noiret ait pu apparaître aux yeux de certains comme une incarnation de ce dernier. Son ami Rochefort a dit joliment que « quand on voyait entrer Noiret dans une pièce, on imaginait des centaines d’hectares derrière lui ». Il y avait son physique, sa barbe, sa propriété de Turcy (Aude), ses chevaux et, bien sûr, ses tenues. Interrogé sur le sujet (Le Monde, 23/11/2006), Noiret a dit : « Farmer, sûrement pas. Quant à gentleman, ce n’est pas à moi de le dire. » Remarque… de gentleman ! « Farmer », quelqu’un comme Gabin le fut bien plus que lui, qui se voulut agriculteur (mais ses voisins fermiers, qui n’étaient pas des gentlemen, eux, ne le voulurent pas…) tandis que Noiret n’exploita jamais son domaine.

Le blogueur de Wasp 101 – anglais pur tea - (cf, sur mon blog, la liste de mes liens) a classé Philippe Noiret parmi les hommes les plus élégants de tous les temps. Je ne crois pas que cela aurait été le cas si Noiret n’avait été qu’une pâle imitation du gentleman-farmer anglais.

Pour moi, Noiret était, sinon un gentleman, du moins un honnête homme. Ces deux idéaux ont du reste beaucoup à voir l’un avec l’autre – l’un anglais et l’autre français (XVIIe). L’honnête homme se devait d’être cultivé (Noiret aimait les livres), courageux, policé et spirituel. Il devait aussi savoir s’habiller. Beau programme !

Je ne connais pas de marques spécialisées dans ce style (Ah ! si : les tenues automne-hiver de Vicomte Arthur). Quelqu’un comme Julien Scavini (blog Stiff Collar) serait plus à même de vous renseigner sur ce point.

Je ne sais si ces qqs remarques vous aideront. Penser à me remercier est très aimable à vous. Une simple référence au « Chouan des villes » fera l’affaire.

Bien à vous.


Dès le lendemain de cet envoi, le journaliste me remercie. Sa curiosité ne semble toutefois pas satisfaite puisqu’il me demande alors de lui décrire un « gentleman-farmer type Noiret » du chapeau aux chaussures.

J’attends un peu pour lui répondre car je le trouve bien exigeant. Et puis, dresser un possible portrait- robot du gentleman-farmer à la française m’intéresse encore moins que de tenter d’en donner une définition. Bonne pâte, je lui envoie tout de même ceci :

 

Cher Monsieur,

Vous m’en demandez beaucoup !

Un « portrait-robot » de gentleman-farmer à la Noiret ?

Casquette anglaise en tweed fin/feutre brun (fedora) avec un air un peu fatigué (le chapeau, pas la casquette).

Chemise à carreaux en viyella, tissu dans lequel sont faites les chemises Tattersallcheck.

Cravate de tricot ou à motifs Paysley/foulard à motifs Paysley/nœud pap (Noiret en était fan).

Veste de tweed, souvent à carreaux fenêtres/costumes de tweed trois pièces.

Pantalons de velours côtelé bruns, whiskey, éventuellement jaunes/en cavalry twill beige.

Chaussettes de laine unies.

Brogues en daim/chukka boots en daim/Monk strap shoes (chaussures à boucle) en daim ou non.

Barbour. Cover coat.

Quelques marques : Lock and Co Hatters (chapeaux et casquettes)… e-shop disponible. Cordings (manteaux, chemises, pantalons)… e-shop disponible. Hilditch and key (cravates, foulards, pochettes…) Lobb/Crockett and Jones/Church’s (chaussures).

J’ignore qui était le dernier tailleur de Noiret. Il parle, dans ses mémoires, de ses tailleurs italiens (surtout) et anglais (exceptionnellement). Il écrit : « Ma véritable adresse fétiche se trouve à Paris : c’est Charvet ».

Je ne sais si j’ai répondu à vos attentes. Vous pouvez, comme je vous l’ai dit, contacter Julien Scavini (blog Stiff Collar).

Bien à vous.


Le 25 mars, soit cinq jours après mon envoi, je reçois un nouveau mail dans lequel mon correspondant me dit être tombé, en parcourant mon blog, sur un article où, évoquant Claude Lévi-Strauss, je citais le tailleur Hollington. Je lui dis qu’ avec Hollington, « on s'éloigne du style gentleman-farmer. On n'est plus avec Noiret, mais avec le sculpteur César ou Michel Piccoli... ou beaucoup d'autres ! » J’ajoute : « M. Hollington a sûrement des choses très intéressantes à dire sur le sujet : ses tenues, qu'on les aime ou non, témoignent d'une bonne connaissance du vêtement. Il y a une réflexion. »

Plus de nouvelles.

Quelques semaines après, la revue (n° 7) sort. Je l’achète, impatient de découvrir ce que le journaliste a bien pu pondre sur le sujet. Déception ! Les cinq pages du « dossier », intitulé, « Comment s’habiller en gentleman-farmer (à la française) ?» - notez le chic de la parenthèse, genre « Ce soir (ou jamais) » : chic est Schnock ! - ont la légèreté d’un smoking Smalto en crêpe de Chine de 1975 (... pour rester dans la décennie Schnock) ! Je remarque très vite que l'article est presque entièrement construit à partir d’un montage des notes que, gracieusement, j’avais envoyées et d’extraits d’une interview de Patric Hollington. S’y greffent différents emprunts à mes billets sur Philippe Noiret (Philippe Noiret, la mesure de l’élégance), Jean Gabin (De quelques comédiens élégants d’autrefois), Claude Lévi-Strauss (Tout est relatif).

Quant aux remerciements promis, je les cherche, bien sûr, en vain.

Agacé, j’envoie un mail intitulé « Je ne vous dis pas merci » à mon indélicat correspondant qui, en réponse, me parle d’un oubli qu’il me promet de réparer dans la seconde édition du même numéro. A ma connaissance, celle-ci n’a jamais vu le jour, ce dont il n’était pas difficile de se douter.

Moralité : Schnock m’a pris pour un schnock et je n’ai pas aimé ça !

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31 décembre 2013 2 31 /12 /décembre /2013 06:59

Vadimir Fedorovski est un peu notre écrivain russe médiatique de service. Que sa patrie d’origine fasse « la Une » de l’actualité, et sa bonne bouille ronde, et son verbe tonitruant prennent possession de nos petits écrans. C’est, comme on dit, « un bon client ». Un homme haut en couleur et pittoresque. Son plaisir de passer à la télévision est communicatif, et rend à son tour heureux le téléspectateur. Le côté acteur – voire cabot – fait partie du personnage. On ne lui en veut pas. On en redemanderait plutôt.

Dans la composition de son rôle, Vladimir Fedorovski use volontiers d’un accessoire : le chapeau. Là non plus on ne lui en veut pas ; là aussi on en redemande. Ici, c’est un fedora sombre porté avec une écharpe bleue :

 

Vladimir-Fedorovski.jpgSeldero/Sipa

 

Là, c’est un feutre brun :


vladimir-federovski-feutre-brun-def.jpg 

 

Ailleurs, le feutre est vert :


vladimir-federovski-futre-vert.jpg

 

Ailleurs encore, c’est un panama :


vladimir-federovski-panama.jpeg

 

Sa panoplie de couvre-chefs ne se limite pas au chapeau. Il porte aussi la casquette :


vladimir-federovski-casquette.jpg

 

ou – nostalgie des origines – la toque en astrakan :


vladimir-federovski-toque-astrakan.jpg Photo : J.J. Ceccarini, Le Figaro    

 

Des reproches peuvent bien sûr être formulés. Certains d’entre vous auront sans doute tiqué aux écharpe et casquette assorties, au ruban clair du panama, à la couleur verte du feutre… Mais les efforts relevés ne compensent-ils pas largement ces quelques erreurs ou maladresses ? Surtout, Vladimir Fedorovski pose plutôt bien ses couvre-chefs.

Andreï Makine est un autre écrivain russe à avoir choisi la France comme patrie d’adoption. Son œuvre et sa personnalité sont très différentes de celles de Fedorovski. Mais, comme ce dernier, il cultive une certaine coquetterie. Il a rasé la barbe qu’il avait au moment où il reçut le Prix Goncourt pour son livre Le Testament français.


 

andrei-makine-goncourt-def.jpgAndreï Makine, au moment de son Prix Goncourt, 1995. Photo François Mori. AP.

 

Il a heureusement troqué les lunettes contre des lentilles. Il s’est coupé les cheveux et il signe dorénavant presque toutes ses tenues d’une curieuse cravate foulard :


andrei-makine-foulard.jpg

 

A son propos, l’un d’entre vous, « Bigstop », m’écrivit, commentant mon article intitulé « De quelques écrivains correctement habillés » : « J’ai rencontré à quelques reprises M. Andreï Makine (…) Pour l’avoir vu dans des salons littéraires, il est toujours très élégant, sa tenue est classique, avec une once d’originalité et de raffinement (…) »

Les originalités dans l’apparence semblent être une sorte de tradition chez les écrivains russes. Maxime Gorki évoque quelque part la « barbe de moujik » et la « blouse chiffonnée » de Tolstoï :


tolstoi-copie-1.jpg

 

- blouse que Maïakovsi portera plus tard, agrémentée d'une lavallière :


maiakovski-jeune.jpg


Les tenues rustiques de Soljenitsyne étaient elles aussi savamment étudiées et s'inscrivaient, comme la barbe, dans une tradition :


soljenitsyne-def.jpg

 

Le vêtement parle. En français. En russe. En français avec un accent russe… Bizarrement, ce n'est pas quand il parle français que je le comprends toujours le mieux...

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24 décembre 2013 2 24 /12 /décembre /2013 07:09

 

pere-noel.jpg

 

Dans ma famille, on n’était pas « père Noël » mais « petit Jésus ». C’était le petit Jésus qui, la nuit de Noël, apportait les cadeaux. Le 24 décembre au soir, on faisait une dernière prière devant une crèche qui n’attendait plus que lui. Le 25 décembre au matin, il était là, beau comme un dieu ! Nous saluions ce miracle par une nouvelle prière. Après, c’était la folie des rubans arrachés, des papiers déchirés, des cartons éventrés…

La tradition familiale m’a rendu à jamais suspecte la figure du père Noël. D’où vient-il ? Qui est-il ? Le folklore des rennes et du traîneau m’a toujours laissé froid. Avec le temps, et pour mille raisons, ce personnage m’est apparu de plus en plus louche. Sa forte corpulence et son visage rubicond ne trahissent-ils pas de coupables excès ? Est-ce une bonne manière d’apprendre la vie aux enfants que de leur donner en exemple un personnage qui travaille un mois par an et se repose tout le reste du temps ? Qu’on découvre un jour que, dans son repaire du grand Nord, le père Noël vit en couple avec une mère Noël – voire un autre père Noël – ne m’étonnerait pas plus que ça. Si ce monsieur qui se fait appeler Noël est père, où sont ses enfants ? Pis : qu’a-t-il fait d’eux ?

Qu’attend-on, bon sang, pour enquêter ?

Mais non. Le père Noël jouit d’une impunité qui ne peut s’expliquer que par des protections très haut placées.

Croire au père Noël ou croire au petit Jésus n’a pas les mêmes conséquences. L’enfant qui ne reçoit pas du père Noël ce qu’il lui a demandé est frustré. Il ne comprend pas et éprouve un sentiment d’injustice. Il risque, dès lors, de devenir un adulte qui exigera de la société qu’elle fasse ses quatre volontés. L’enfant qui ne reçoit pas du petit Jésus ce qu’il lui a demandé apprend à se soumettre à une volonté plus grande que la sienne.  Il deviendra un adulte conscient que ses désirs ne sont pas tous faits pour être réalisés. D’une personne naïve qui pense que la lune lui est due, on dira volontiers qu’ « elle croit encore au père Noël » ; on ne dira jamais qu’ « elle croit encore au petit Jésus ».

Le principal grief que j’adresse au père Noël, je l’ai gardé pour la fin : son apparence. Mon Dieu qu’il est laid ! Mon Dieu qu’il est vulgaire ! Certes, il est barbu, mais sa barbe, mal taillée, ne le rend pas magnifique. Et puis, il y a ses cheveux hirsutes qui sortent de son bonnet. Il y a aussi, parfois, ses horribles lunettes de fer et, toujours, son habit rouge et ses bottes noires. Y glisse-t-il, au moins, des Gammarelli ? J’en doute ! Un autre Père – Saint celui-là – nous a montré qu’on pouvait être élégant en habit rouge et bonnet. Mais n’est pas Benoît XVI qui veut !


benoit-XVI-camauro.gif

 

Joyeux Noël à vous tous !

Le Chouan

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17 décembre 2013 2 17 /12 /décembre /2013 06:18

 

                         «  L'homme ou la femme parfaits sont les êtres les plus nuls », Balzac

 

 

Les modèles d’élégance ne sont pas des Apollons. Philippe Noiret était lourd et pataud et marchait en canard. Cary Grant se lamentait de sa tête trop grosse et de ses jambes arquées. Fred Astaire était petit, fluet, et il avait un trop grand crâne.

La vue d’un homme merveilleusement vêtu mais disgracié par la nature arrache des regrets. On se prend à rêver à ce que les mêmes vêtements auraient pu donner sur un autre… Mais on a tort. Habillez parfaitement le plus bel homme du monde, vous n’en ferez pas un parangon d’élégance. Alain Delon, par exemple, fut un très bel homme. Certains films le montrent très bien mis. Etait-il élégant pour autant ? Qui l’a vu dans Monsieur Klein a le droit d’en douter. Tout se passe comme si deux perfections ne pouvaient coexister sans que l’une fasse du tort à l’autre.


alain-delon-monsieur-klein.jpg

 

L’intérêt pour l’élégance naît de la conscience d’un manque. Michel Leiris dit très bien les choses dans L’Age d’homme : « Ma tête est plutôt grosse pour mon corps ; j’ai les jambes un peu courtes par rapport à mon torse, les épaules trop étroites relativement aux hanches. Je marche le haut incliné en avant ; j’ai tendance, lorsque je suis assis, à me tenir le dos voûté ; ma poitrine n’est pas très large et je n’ai guère de muscles. J’aime à me vêtir avec le maximum d’élégance ; pourtant, à cause des défauts que je viens de relever dans ma structure (…), je me juge profondément inélégant (…) il est nécessaire de construire un mur autour de soi, à l’aide du vêtement. »

L’élégance est une quête toujours inachevée. Je doute qu’aucun de nos modèles ait jamais pensé avoir atteint son but. Une des femmes de Cary Grant divorça de lui au prétexte qu’elle ne pouvait pas continuer à vivre auprès d’un homme qui se regardait dans toutes les glaces. S’il le faisait, ce n’était pourtant pas - j'en suis sûr - par narcissisme, mais par souci compulsif de se rassurer.

Les beaux hommes, d’ailleurs, n’ont que faire de l’élégance : leur perfection physique leur suffit. Pourquoi construiraient-ils, à l’aide de vêtements, un mur autour d’eux ? Leur corps est leur propre mur ! Et leur vanité de propriétaires est féroce !

Parce qu’elle a fait du corps un dieu, notre société ignore l’élégance. Ce n’est pas au vêtement que l’homme disgracié contemporain demande de réparer ses tares. Comme le dit l’adage populaire : il faut souffrir pour être beau. Les salles de musculation sont pleines, les livres de régimes s’arrachent… comme des petits pains. Musculature, minceur, hâle se sont substitués à l’habit. Au moindre rayon de soleil, on se dénude, on s’exhibe.

Pour l’homme élégant (janséniste par un certain côté), le vêtement ressemble à un cache-misère. Pour l’homme contemporain, il est un montre-corps. D’un côté, la prédominance de l’esprit ; de l’autre, celle de la matière.

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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 07:22

Il n’est pas rare que les parcours d’écrivains soient jalonnés de changements de direction, sinon de volte-face. Hugo est passé, au milieu de sa vie, du royalisme au progressisme ; Huysmans, du naturalisme au catholicisme ; Barrès, du dilettantisme au nationalisme ; Malraux, de la Révolution au gaullisme. La rupture la plus radicale, on la doit à Rimbaud qui, à vingt ans, dit adieu à la littérature pour embrasser l’aventure.

De façon plus anecdotique, on a vu des écrivains jouer les Fregoli. Ainsi, l’austère Aragon, invariablement sanglé dans des costumes de notaire de province, s’est-il transformé, après la mort d’Elsa, sa muse, en un vieux barde échevelé sensible au charme des éphèbes. De même, il y eut deux Céline. Le premier était propre sur lui, portait costume et cravate :


celine-jeune-costume.JPG

 

Mais l’image de ce Céline première manière a été occultée par celle de l’ermite de Meudon, dépenaillé et sale. Le tour de passe-passe a été pensé et réalisé par Céline lui-même. Emile Brami (1) nous apprend que cette métamorphose fut consécutive à un échec : persuadé que Féerie pour une  autre fois serait un succès, Céline, revenu de son exil danois, s’était refusé à toute publicité de lancement. Les ventes furent catastrophiques. Alors, pour son livre suivant, D’un Château l’autre, il va multiplier les interviews et se montrer, selon ses propres termes, en « vieillard clochard dans la merde ». Son modèle : Paul Léautaud, décédé en 1956. « Paul Léautaud est mort. Il fallait un pauvre qui pue. Me voilà », confie-t-il, très satisfait de son coup, au journaliste Jacques Chancel. Après quoi, il écrit à un ami qu’il est devenu « un fait-divers à la mode » et que « ça fera peut-être vendre D’un château l’autre ».

Son cynisme, Céline cherche à peine à le dissimuler sous ses hardes ; il est l’expression de sa haine – haine de tout et aussi de lui-même. Emile Brami montre parfaitement comment d’un entretien télévisé (à) l’autre, Céline en rajoute – fait du Céline, c’est-à-dire qu’il exagère, se caricature sans vergogne, surjoue son personnage jusqu’au bout du bout…

Première tentative : « Lecture pour tous », 1957. Céline répond aux questions de Pierre Dumayet. « Il se présente, nous dit Brami, dans un costume de velours sombre, beaucoup trop grand pour lui (…) Il porte une cravate très claire que l’on devine à peine et dont on ne voit que le nœud, le reste ayant été glissé entre la chemise blanche au col râpé et la peau. Sa coupe de cheveux est extraordinaire (…), la nuque rasée presque à mi-crâne, (…) est celle qu’on imagine à un futur guillotiné. Et c’est bien ce que veut exprimer Céline : il n’est qu’un pauvre hère traîné là pour se faire couper la tête, une victime expiatoire. »


celine-lecture-pour-tous.jpg
celine-nuque.jpgCéline, invité de Pierre Dumayet, "Lecture pour tous"

 

Tentative suivante, un an plus tard, devant, cette fois, André Parinaud (« Voyons un peu : Céline ») : Céline a abandonné les codes, même détournés, de l’apparence bourgeoise : plus de costume, plus de chemise blanche, plus de cravate, plus de nuque bien dégagée… Parinaud le décrit comme un « grand homme aux cheveux longs grisonnants, rejetés en arrière (…) vêtu d’une peau de bête, d’un vieux pantalon de velours côtelé, chaussé d’après-skis dont la fourrure déborde. »


celine-andre-parinaud.jpg"Voyons un peu : Céline", André Parinaud   

 

« Vêtu de peau de bête », dit Parinaud. Il s’agit d’une pelisse de berger en mouton retourné - comme si l’ermite de Meudon avait voulu se souvenir de celui d’Ermenonville (Rousseau) (2) !

Céline améliorera son personnage jusqu’à sa mort. Voici comment il se présente à Jean Guénot le 20 janvier 1960 : « (…) il est emmitouflé dans une robe de chambre grenat, avec un foulard autour du cou (…) Le visage envahi par deux jours de barbe grise. Moustache d’une semaine (…) Il a des mains étrangement rondes, des ongles jaunes et longs, avec des tâches de rousseur sur le dos. Chevelure intacte mais pas soignée. Le poil est très long, surtout vers la nuque. » Et, le 6 février de la même année : « Il est bien délabré, il faut l’avouer (…) Il a une tête de chien, la barbe en chaume grisâtre. Une vague chemise est cachée par un grand foulard bleu marine et un gilet en peau de mouton. Le pantalon en fond de culotte interminable est en lainage marron. Sur l’arrière, quand il marche, la ceinture descend jusqu’à niveau présumé des fesses. Très plat, vu de dos ; un peu voûté aux épaules. Par-devant, le pantalon apparent est tenu par une ficelle, et la braguette est ouverte en permanence sur un caleçon de molleton à reflets gris (3). »

Son personnage de vagabond échappé de Beckett, Céline le joue à la perfection – mais il joue ! Si je raisonnais comme le Savoyard de Montaigne, je dirais qu’il aurait fait un excellent communicant ! Certes, le calcul n’explique pas tout : exhiber une image à ce point dégradée de soi-même témoigne d’une haine – donc d’une douleur. Le calcul est tout de même gênant – d’autant qu’il se double ici d’un mensonge – car, à l’instar de Léautaud, Céline n’était pas pauvre ! L’ermite de Meudon qui pleurnichait sur sa misère était assis sur un tas d’or !

Léautaud et Céline : entre le modèle et l’imitateur, je vois tout de même une différence notable : le premier cabotine quand le second truque. Et puis, toutes pauvres qu’elles aient été, les mises de Léautaud faisaient preuve d’une recherche – voire d’une coquetterie – absente de celles de Céline.


leautaud-chap-tweed-deux.jpgPaul Léautaud

 

Ce sentiment de trucage, je ne l’éprouve pas seulement quand je vois et que j’entends Céline, mais aussi quand je le lis. Brasillach n’était pas dupe qui, dès 1936, à la sortie de Mort à crédit, écrivait ceci : « Assis à sa table de travail, M. Louis-Ferdinand Céline venait de relire avec quelque mélancolie le début de la page 305 de son nouvel ouvrage : "A peine le "Hopeful Academy"  eut-il été terminé que des départs se produisirent aussitôt. Ceux qui avaient envie de s’en aller n’ont même pas attendu Pâques. Six externes sont partis dès la fin d’avril, et quatre pensionnaires ont été repris par leurs parents." M. Céline soupira, atteignit sur un rayon le Dictionnaire de l’argot de M. Chautard, le compulsa d’un doigt négligent, et commença de mettre au point la version définitive de cette page 305 : "A peine qu’il était terminé le "Hopeful Academy" tout de suite on a eu des départs… Ceux qui avaient envie de trisser, ils ont même pas attendu Pâques… Six externes qu’ont mis les bouts dès la fin d’avril, et quatre pensionnaires, leurs darons sont venus les reprendre…" Et il soupira : "Encore quatre cents pages de ce travail !" (4) »

_____________________________________________________________________________________________________________
1. « Céline vivant », DVD, Editions Montparnasse.
2. Le personnage créé par Céline procède, pour ainsi dire, de la synthèse littéraire : Meudon (Rabelais); La peau de bête (Rousseau); les hardes (Léautaud).
3. Louis-Ferdinand Céline, damné par l’écriture, Jean Guénot, éditions Jean Guénot, 1973.
4. L’Action française, 11 juin 1936.

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3 décembre 2013 2 03 /12 /décembre /2013 07:37

Proust et Céline sont considérés comme les deux romanciers français majeurs du XXe Siècle. Ainsi en a décidé la postérité. Mais la postérité est longue et versatile, et, après tout, nul n'est tenu de croire en ses jugements. Comme le disait Jules Renard : " La postérité ? Pourquoi les gens seraient-ils moins bêtes demain qu'aujourd'hui ?" Les styles littéraires de ces deux auteurs sont très différents. Céline, pour qui le style faisait l'écrivain, reconnaissait la supériorité de son aîné : "Proust est un grand écrivain, c'est le dernier... C'est le grand écrivain de notre génération, quoi..." Les hommes aussi sont très différents - ce que traduit, visiblement, leurs façons de se vêtir : du côté de chez Proust, une fidélité à certains choix et au passé; de l'autre côté : la création d'un personnage - Céline endossant le costume, ou plutôt les haillons, du "pauvre qui pue".


Marcel Proust

Evoquer la vêture de Proust, c’est partir à la recherche d’une élégance perdue. C’était avant les années 30, qui ont fixé la forme du costume masculin tel que nous le connaissons encore aujourd’hui.

La plus célèbre image du jeune Marcel Proust, on la doit à Jacques-Emile Blanche. Proust ne se sépara jamais de ce portrait de lui à 21 ans :


marcel-proust-j-e-blanche.jpg


La moustache, la raie sur le milieu, le col cassé, la fleur à la boutonnière, la cravate régate piquée d’une épingle… Un jeune homme d’aujourd’hui pourra être curieux de ce type d’élégance, mais il ne s’en inspirera pas pour lui-même : trop daté ! Les deux derniers sosies de Proust dont je garde la mémoire furent, dans les années 70-80, Jacques de Basher, le compagnon de Karl Lagerfeld, et l’écrivain Yves Navarre (1):


jacques-de-basher-def.jpgJacques de Basher


yves-navarre.gif Yves Navarre

 

Proust s’entoura de jeunes garçons à sa ressemblance. Des dandies un peu trop pommadés et parfumés – des avatars de petits-maîtres -, tels Lucien Daudet et Robert de Flers :


marcel-proust-flers-daudet.jpg  De gauche à droite, Robert de Flers, Marcel Proust, Lucien Daudet

 

      
« Il était bien joli jeune homme », écrira Colette. « Joli » : le qualificatif se retrouve sous la plume d’Anatole France. Pour Barrès, il était « le plus aimable jeune homme ». Lui-même était conscient de son pouvoir de séduction. Dans Jean Santeuil, roman autobiographique resté inachevé, le narrateur dit que Jean (Marcel) « se trouve beau ». A un moment, il s’aperçoit dans la glace « plus beau que d’habitude. »

En 1905, après la mort de sa mère, changement de décor. Le mondain laisse la place au reclus. Proust entame une vie d’isolement, entre narcotiques et fumigations. Le grand œuvre n’attend plus. A partir de 1907, il consacre sa vie entière à l’écriture de sa Recherche. Sa solitude s’agrandit encore après le décès accidentel de son secrétaire et ami, Alfred Agostinelli. « Personne n’a vécu comme moi avec l’incurable regret de deux ou trois êtres, ou plutôt, en réalité, je ne vis pas, je meurs de cela », confie-t-il en 1915. 

C’est un demi-mort, donc, qui, un jour de cette même année 1915, vint frapper à la porte du jeune Paul Morand pour le remercier des mots gentils qu’il avait tenus sur Du côté de chez Swann. Morand constata alors avec surprise que ce « visiteur du soir », comme il l’appellera plus tard (2), ou plutôt de la nuit - il était en effet minuit ! – était habillé « comme en 1905 » (3). Comme si, pour Proust, le temps s’était arrêté à cette date.

Plusieurs auteurs nous ont laissé des portraits d’un même Proust anachronique, comme évadé d’un conte fantastique. Morand le premier : « Toujours enveloppé dans une lourde fourrure de loutre, enfoncé dans un fauteuil profond d’où ne sortait qu’une inoubliable voix de fantôme, satirique et bienveillante, tout son être semblait concentré en ses yeux, qu’il avait extraordinairement grands, caverneux et brillants. » Colette : « Sur son habit, il portait une pelisse ouverte, l’expression du plastron blanc, froissé, et de la cravate révulsive m’effrayèrent. » Fernand Gregh : « (…) il apparaissait parfois vers minuit comme un spectre, en pardessus au plus chaud de l’été, le collet renforcé d’une ouate qui sortait par lambeaux de dessous de son col. » Edmond Jaloux : « Il semblait toujours sortir (…) d’une autre époque (…) jamais il ne s’était décidé à renoncer aux modes de sa jeunesse : col droit très haut, plastron empesé, ouverture du gilet largement échancrée, cravate régate. » Mauriac : « Il m’apparut plutôt petit, cambré dans un habit très ajusté (…) Engoncé dans un col très haut, le plastron bombé comme un bréchet (…) » Léon Paul Fargue : « Il avait l’air d’un homme qui ne vit plus à l’air et au jour. »

Si, comme nous l’a appris Proust lui-même, « la vraie vie, c’est la littérature », on ne saurait trouver portraits plus authentiques (quoique le talent des portraitistes respectifs soit à prendre en considération). Cela dit, pour cerner l’homme que fut Proust au quotidien, on se réfèrera avantageusement au témoignage de celle qui fut sa gouvernante les huit dernières années de sa vie. Céleste Albaret – c’est son nom – nous a laissé, sous le titre Monsieur Proust, des mémoires sans fard, saisissants de vie et de précision. Remplis, aussi, d’une vénération qui oblige le lecteur à prendre de la distance (4).


celeste-albaret.jpgCéleste Albaret

 

Morceaux choisis.


Sur sa frilosité. « Il était toujours très couvert, même en été (…) il y avait deux pardessus (…) pour aller à la mer (…) Tous les deux étaient en vigogne – l’un très léger, gris-blanc et doublé de violet ; l’autre marron. Chacun avec le chapeau rond assorti (…) » ; « Pour se défendre contre ce froid (…), il tirait sur ses jambes une pelisse, une vieille, qui ne servait qu’à cela. Il en avait une autre, très belle, doublée de vison et à col de loutre, qu’il mettait pour ses sorties en ville par temps froid. Mais, la vieille, elle, ne devait jamais quitter le barreau de cuivre au pied de son lit, tout comme aussi un magnifique pardessus noir, doublé de drap à carreaux blancs et noirs, très élégant et nullement usé, que sa mère lui avait fait faire autrefois, mais qui était également réservé à l’usage intérieur, en guise de robe de chambre – car il n’avait pas de robe de chambre, rien que ce pardessus, qu’il mettait sur ses vêtements de lit, avec des babouches, quand il était seul et qu’il avait à se lever et à aller et venir, entre les murs de sa chambre » ; « Il avait des masses de tricots d’appartement très épais, à boutons, et bordés d’une petite tresse de soie. »

Sur sa fidélité à ses fournisseurs et à ses goûts. « Il s’habillait depuis toujours au Carnaval de Venise, sur les boulevards, non loin de l’Opéra. Les essayages avaient lieu à l’appartement. Il aimait bien le vieux coupeur anglais qui le servait régulièrement et qui était très gentil » ; « Il portait sur le corps un tricot et un caleçon long. Tous deux toujours en laine Rasurel. Je lui en ai acheté d’autres une fois, qui m’avaient semblé également bons et beaux ; ce n’étaient pas des Rasurel ; il n’en a jamais voulu. » ; « Je me souviens qu’il s’était fait faire (un gilet), parce que l’étoffe lui avait paru particulièrement jolie. Il était en soie rouge, doublé de soie blanche. Il l’a essayé et me l’a montré. Je le revois se tournant et se retournant devant sa glace, puis disant – Décidément non. Ce serait bien pour un dandy comme Boni de Castellane. Je ne veux pas être ridicule. » « La moustache, il en a changé de forme une fois, comme il s’était fait couper la barbe juste avant que je le connaisse. Après la barbe, il a porté la moustache assez longue et roulée au fer. Puis, un jour, après la guerre - c’est bien la seule concession, si c’en est une, qu’il ait faite à la mode – il a décidé (…) de la faire couper plus ou moins à la Charlot (…) La chose accomplie, il n’était pas tellement sûr de la réussite » ; « (…) c’était un homme d’habitudes ; il détestait le changement en tout. Il se sentait particulièrement bien dans des choses longtemps portées. » « Il avait la même fidélité dans sa façon de s’habiller que dans ses autres goûts. Là aussi, il y avait en lui un attachement à son passé. » « Je sais qu’il se trouvait des gens pour dire qu’il avait l’air d’être d’un autre âge, à cause de la mode qui avait beaucoup changé avec la guerre, alors que, lui, il gardait la vieille coupe de ses vêtements et ses cols de chemise hauts et durs. »

Sur la constitution de sa garde-robe. « Sa garde-robe était très simple, très correcte, c’était tout. Il la renouvelait peu – du moins du temps où je l’ai connu. Il n’en avait pas besoin : étant toujours couché, il n’usait pas. En dehors des pardessus de Cabourg, en vigogne, qu’il n’a jamais mis, il lui restait, avec le pardessus jeté sur son barreau de lit pour l’intérieur, la pelisse neuve doublée de vison, à col de loutre noir, et le pardessus noir dont j’ai parlé. Et pour les complets, s’il s’en est fait couper deux ou trois, de mon temps, ce doit être tout. (…) En dehors de l’habit et du smoking, il avait plusieurs jaquettes, qu’il mettait avec des pantalons rayés, et auxquelles il a ajouté un veston noir gansé. Tout était fait sur mesure, bien entendu (…) Il avait une collection de gilets, cossus, mais simples et unis (…) A part les nœuds papillons noirs pour le smoking, blancs pour l’habit, (ses cravates) étaient d’une grande sobriété. Il en avait une seule très colorée : couleur opéra, c’est-à-dire plus vif que lie-de-vin. Il la mettait très rarement. A un certain moment, il avait porté des lavallières, achetées chez Liberty, mais il les avait abandonnées. » « Et les chaussures – je lui ai toujours vu les mêmes paires de bottines à boutons, sauf une - en huit ans – qu’il m’a envoyée acheter. Il m’avait demandé de prendre les mêmes bottines noires vernies dont il avait l’habitude, en m’indiquant le magasin où il se fournissait : Old England, à l’angle du boulevard des Capucines et de la rue Scribe. Je n’ai pas compris l’explication de l’adresse et je suis allée chez un petit bottier, d’ailleurs très chic, dont la boutique était située aussi boulevard des Capucines. Et je lui ai acheté une paire de bottines vernies, à tige en toile beige. Je les avais prises « à condition », puisqu ‘elles n’étaient pas entièrement noires. Quand Monsieur Proust les a vues, il les a trouvées, ma foi, très jolies, et il m’a dit : - Nous allons voir ; je les essaierai. Elles lui ont plu. Il les jugeait si élégantes qu’il les a toujours mises, sauf, naturellement, quand il sortait en habit noir. »

Sur son élégance et son allure. « Il y avait d’abord son allure (…) il était plutôt grand. En même temps, il était mince et il se tenait un peu cambré et renversé, la tête bien dégagée, avec beaucoup de noblesse, ce qui le grandissait encore (…) En fait, il était le contraire de la raideur (…) C’était surprenant de penser que cet homme, qui passait plus de la moitié de sa vie couché et de qui on attendait plutôt de l’ankylose, pouvait montrer tant de souplesse et de grâce dans ses moindres gestes ou mouvements (…) Il n’y aurait eu que les imbéciles pour ne pas s’aviser de son extraordinaire élégance naturelle, qui faisait tout passer (…) grand seigneur (…) Il avait cette suprême élégance d’être ce qu’il était, simplement. » 

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1. Un dénommé Elie Top - dont j'ignore tout - perpétuerait actuellement la tradition.
2. Le Visiteur du soir, Paul Morand, La Palatine, 1949.
3. Source, le blog d'Alain Bagnoud.
4. Monsieur Proust, Céleste Albaret (souvenirs recueillis par Georges Belmont), Robert Laffont, 1973. 

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25 novembre 2013 1 25 /11 /novembre /2013 06:47

Dans ses mémoires, Philippe Noiret parle de son amour des artisans : « Parce qu’ils sont passionnés de leur métier, j’aime discuter avec eux, que ce soit d’un col de chemise ou du revers d’un pantalon (…) nous pouvons avoir des conversations byzantines sur la juste proportion (1). » A ma modeste place, je peux témoigner de ce que la fréquentation d’artisans passionnés m’a humainement apporté. Elle m’a fait réfléchir à la nécessaire confiance qui doit présider aux relations sociales. Choisir un artisan – un tailleur par exemple -, c’est toujours prendre un risque ; en tant que client, j’ai la crainte que le résultat ne soit pas à la hauteur de mes espérances… et de mes efforts financiers ! De l’autre côté, l’artisan doit faire avec des clients soupçonneux, difficiles, qui, parce qu’ils paient, se croient « les rois ». Il faut surmonter les préventions respectives. La relation est réussie si l’artisan fait tout son possible pour satisfaire son client et si le client accepte les aléas inhérents à toute activité manuelle. « Chaque tailleur a son défaut », me répétait ma mère quand, déçu par mes premiers essais « sartoriaux », je cherchais auprès d’elle un peu de consolation. Ma déception s’expliquait : j’étais jeune et mes fantaisies me mangeaient la presque totalité de mes maigres premiers salaires.


tailleurs-au-travail.jpgAtelier de tailleur, 1re moitié du XIXe. Litho coloriée. BPK, Berlin, dist. RMN.

 

Le choix des meilleurs fournisseurs ne préserve pas des mauvaises surprises. Philippe Noiret – j’y reviens – raconte qu’il avait dans ses armoires « des pantalons très bien coupés, mais un peu longs parce qu’on (s’était trompé) lorsqu’on (avait pris) les mesures ». Il dit encore : « Dès que j’ai gagné un peu d’argent, j’ai eu envie de me faire faire des souliers chez Lobb (…) c’étaient des mocassins ; lorsque je les ai récupérés, j’ai voulu les essayer : ils me faisaient un mal de chien. Je suis allé trouver M. Dickinson qui était le maître bottier de chez Lobb : « Ne vous inquiétez pas, monsieur Noiret. On a voulu trop bien faire. On va vous donner de l’aisance. » A partir de ce jour, j’ai été un fidèle de la maison. »

Les artisans m’ont appris, à leur manière, à être philosophe. « La machine est impersonnelle, disait Nietzsche. Elle retire à la pièce travaillée sa fierté, cette qualité et ces défauts inséparables de tout travail non mécanique. » J’ai appris à accepter les défauts de mes tailleurs successifs. L’un d’eux aimait à répéter : « Le tissu est une matière souple dont on ne fait pas ce qu’on veut. » Ces défauts, j’ai même fini par les aimer. Ils m’évoquent des souvenirs ; ils racontent des histoires. Les tisseurs orientaux introduisent volontairement un défaut dans la fabrication de leurs tapis afin de signifier que la perfection est l’apanage de Dieu. Nos machines modernes produisent, elles, des « produits parfaits », comme le dirait Houellebecq. Et Dieu a déserté nos vies.

L’objet réalisé par l’artisan est le fruit d’une relation entre deux personnes – lui et son client. De là sa valeur particulière et l’affection – oui, l’affection – qu’on peut avoir pour lui. Le « prix » d’un objet ainsi fabriqué n’est pas réductible à sa valeur pécuniaire. « Objets inanimés, avez-vous donc une âme/ Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? » Assurément, des objets en plastique usinés à la chaîne n’auraient pas arraché au poète la même interrogation ! L’artisan communique un peu de son âme à l’objet qu’il fabrique et le client va, à son tour, transmettre un peu de la sienne à celui qu’il achète. Nietzsche encore : « Autrefois, tout achat fait à des artisans était une manière de distinguer des personnes des marques desquelles on s’entourait ; le mobilier et le vêtement devenaient de la sorte des symboles d’estime réciproque et d’affinités personnelles, tandis que nous ne semblons plus vivre à présent que parmi une société d’esclaves, anonyme et impersonnelle. »

Le nombre des artisans a, ces dernières décennies, fortement diminué. La mémoire des métiers disparus se perpétue, sous une forme folklorique et à des fins touristiques, dans des villages aussi tocs que des décors de cinéma. Seul un certain artisanat d’art et de luxe a réussi à tirer son épingle du jeu. Sa clientèle est riche et d’origine souvent étrangère. Les tailleurs habillaient autrefois les hommes de toutes les classes. Les quelques-uns qui survivent pratiquent des prix qui dissuadent la clientèle moyenne – et, a fortiori, modeste – de s’adresser à eux. Grevés de charges, comment pourraient-ils faire autrement ?

Un manque existe dont témoigne l’intérêt actuel pour le « sur mesure » sous toutes ses formes ou pour des blogs comme le mien. Les jeunes ne sont pas les derniers à rêver sur un monde hélas disparu. Un monde humain. 

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1. Mémoire cavalière, Philippe Noiret, Robert Laffont.

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18 novembre 2013 1 18 /11 /novembre /2013 07:07

Ian Brossat est communiste. Anne Hidalgo, candidate à la mairie de Paris, l’a désigné pour être son porte-parole de campagne. Il fut un ardent défenseur du mariage homosexuel. D’ailleurs, récemment marié à son compagnon.


ian brossat defIan Brossat. I.CHAM/SIPA    

 

Une interview qu’il a donnée il y a peu au JDD nous l’a fait mieux connaître. A la question : « Si vous deviez changer un lieu de Paris », il a répondu, accompagnant ses paroles d’un sourire qui en disait long : « Le Sacré-Cœur, un symbole que je n’aime pas. »

Seigneur !

Et moi, si je devais changer quelque chose à Ian Brossat, par quoi commencerais-je ? Il y aurait tant à faire… Disons, pour rester dans le thème de mon blog, que je changerais la cravate et la chemise : avec un très long cou comme le sien, les tombants de la chemise doivent être généreux et écartés (à l'italienne) et le haut du col doit se placer juste au-dessous de la proéminence (ici, très proéminente…) pharyngée. Sinon, effet Bachar el-Assad assuré - auquel je ne crois pas que Ian Brossat veuille ressembler !

« Proéminence pharyngée » ou, plus simplement, « pomme d’Adam ». Mais Adam… la pomme… j’ai pensé que ces mots, teintés de religion, Ian Brossat ne les aimerait pas.

Qu’ils lui resteraient en travers de la gorge.

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13 novembre 2013 3 13 /11 /novembre /2013 06:47

Dans son numéro 103, le magazine Monsieur parle des blogs consacrés à l'élégance masculine. Guillaume Renouard, l'aimable auteur de l'article, cite Le Chouan des villes. Il m'avait préalablement contacté afin que je réponde à ses questions. Les voici, ainsi que mes réponses.


couv-monsieur.jpg

 

- Pourquoi avez-vous choisi de tenir un blog ?

C’est en visitant des sites comme De pied en cap que l’idée m’est venue de tenir un blog. J’ai pensé que j’avais peut-être quelque chose à dire, un point de vue à donner, un ton à faire entendre. Vous savez, l’ordinateur a été pour moi une découverte tardive. Mon fils s’est chargé de la partie technique. Je fais relire mes textes par ma femme. Tout cela est très artisanal !

 

- Depuis quand tenez-vous ce blog ?

Depuis avril 2009. Je pensais que j’écrirais quelques dizaines d’articles, pas plus. Et puis je me suis pris au jeu. Ma palette s’est enrichie. Une tenue nous en apprend beaucoup sur celui qui la porte. Il suffit d'être attentif. Certains lisent les lignes de la main. Eh bien ! moi, j'aime lire les visages et j'aime lire les vêtements. C’est pourquoi je traite assez souvent de la mise des hommes politiques et des écrivains notamment.

 

- Quel âge avez-vous ?

54 ans.

 

- Exercez-vous une activité professionnelle à côté ? En rapport avec le vêtement ?

Ma profession n’a rien à voir avec le vêtement. Rien du tout !

 

- Votre blog vous apporte-t-il des revenus (via liens sponsorisés ou autre) ? Sinon, avez-vous déjà songé à le monétiser ?

Aucun revenu ! Je tiens beaucoup à ce point qui m’assure une totale liberté de jugement. Je ne reçois aucun cadeau, je ne fais aucune publicité directe ou indirecte. Mes rares recommandations de produits n’en ont que plus de valeur.

 

- Quelle est votre conception de l'élégance ? Classique ? Française, italienne, britannique ?

Comme je vous l’ai dit, le vêtement m’intéresse d’abord par ce qu’il dit sur celui qui le porte. Etre bien habillé ne suffit pas à être élégant. Si tel était le cas, l’élégance pourrait s’acheter. Or l’argent est secondaire. Les hommes qui me touchent le plus sont ceux qui, avec peu, réussissent à être plus élégants que les gravures de mode qu’on nous donne en exemple à longueur de sites et de blogs. The Sartorialist a parfois photographié des hommes âgés qu’on devine dans la gêne et pour qui l’élégance est une affaire de fierté, voire de survie. Ils font avec le peu qu’ils ont et ils sont remarquables. Disons qu’un Albert Cossery m’émeut quand un Lino Ieluzzi me ferait plutôt pitié ! L’élégance, c’est une attitude, un maintien. Elle n’exclut pas la nonchalance – bien au contraire -, mais elle ne peut pas se passer de dignité. L’un des principaux reproches que je fais à mes contemporains, c’est de s’habiller sans dignité. Maintenant, s’il me fallait retenir un adjectif parmi ceux que vous citez, ce serait « classique ». Classique, oui. Et de façon décomplexée ! Sans ironie et sans second degré. On apprend les codes, on se les approprie peu à peu, et après – mais après seulement – on peut se permettre de « twister ». Enfin, un peu.

 

- Vos maisons favorites ? (PAP ou autre) 

Répondre à votre question m’obligerait à citer des marques, ce que je ne souhaite pas faire. Je n’ai pas beaucoup de vêtements et ceux que j’ai ont souvent 20 à 30 ans d’âge ! J’achète bien sûr en PAP. J’ai la chance que mon tailleur accepte d’adapter à mes mesures presque tout ce que j’achète.

 

- Quelle est la pièce de votre dressing que vous affectionnez le plus ?

Ma robe de chambre ! Cela dit sans snobisme. Un cadeau de mes proches. Elle est bordeaux, en cachemire. Elle a treize ans. Elle me sert assez souvent de couverture.

 

- Quels conseils donneriez-vous aux jeunes/étudiants souhaitant se vêtir convenablement avec un budget limité ?

Ne pas succomber à des coups de cœur onéreux. Une garde-robe doit être raisonnée. La constituer prend du temps. Certains achats méritent un effort, financier j’entends. Je pense aux costumes, aux vestes et aux chaussures. A mon sens, on peut être moins exigeant avec les chemises et les pantalons. A propos des vestes et des costumes : se diriger vers des marques de PAP qui ont fait leurs preuves si l’on a un gabarit « standard ». Sinon, penser à la demi mesure. Choisir des coloris neutres. Gris ou bleu pour les costumes ; des couleurs automnales pour les vestes de tweed. Pas de gris. Du bleu marine, évidemment, pour le blazer. Plutôt que de casser sa tirelire pour acheter la paire de chaussures de ses rêves, en acheter trois paires qui soient de qualité convenable – deux paires de noires et une paire marron si l’on s’habille plutôt « formel » ; deux marron et une noire si son style est plutôt « casual ». Les faire tourner et en prendre soin. Ainsi, on se donne du temps pour monter en gamme. J’ajoute : acheter selon ses besoins et non selon ses envies. Pourquoi se ruiner dans l’achat d’un costume si l’on n’en a pas l’usage ? C’est du simple bon sens. Mais le bon sens n’est pas la chose la mieux partagée par la jeunesse.

 

- Quels livres consacrés à l'élégance recommandez-vous ?

Sur l’élégance, Le Chic anglais de James Darwen, qui est aussi un petit chef-d’œuvre d’humour, et De l’élégance masculine de Tatiana Tolstoï : l’auteur ne se contente pas d’énoncer des règles ; elle livre un point de vue argumenté et sensible sur l’élégance. Sur le dandysme : Du dandysme et de George Brummell de Barbey d’Aurevilly et Dandies de Roger Kempf. Sur l’histoire de la mode : Des modes et des hommes de Farid Chenoune.

 

- Quels sont vos modèles en matière d'élégance ?

Mes modèles ? Je ne sais pas si le mot est adéquat. Je préfèrerais parler de témoins. Fred Astaire, Philippe Noiret et, aujourd’hui, Michael Alden par exemple offrent de beaux témoignages d’élégance. Il y a aussi ces témoins anonymes croisés dans la rue ou repérés sur des images d’archives, dans des films anciens… Je regarde et j’apprends !

 

- Lisez vous d'autres blogs/magazines consacrés à l'élégance ? Si oui, lesquels ?

Les blogs : vous me permettrez de ne pas répondre ; j’ai trop peur d’en oublier et ainsi de froisser quelques-uns de mes camarades ! Disons que j’ai une préférence pour les blogs « à textes » et « à humeurs ». Les photos, c’est bien, mais cela ne suffit pas. Les magazines : le vôtre, dont j’ai presque tous les numéros ; GQ et les suppléments mode ou style de plusieurs magazines. Lire ne veut pas dire que j’approuve…

 

- Correspondez-vous avec d'autres blogueurs ? Si oui, lesquels ?

En ce moment, avec Le Paradigme de l’élégance. J’ai eu des contacts épisodiques avec les auteurs de For The Discerning Few et j’en ai de plus fréquents avec Julien Scavini de Stiff Collar.

 

- Un mot de la fin ?

Je réfléchissais l’autre jour à une possible définition de l’élégance et j’ai fini par trouver celle-ci : la distinction dans la discrétion. On doit sûrement pouvoir trouver mieux. Mais, telle quelle, cette formule traduit bien ma pensée.

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6 novembre 2013 3 06 /11 /novembre /2013 06:25

La dernière présidentielle  ne remonte pas à 18 mois, et voilà qu’on nous rebat les oreilles de la prochaine qui aura lieu dans presque 4 ans ! A droite, le bal des ego bat son plein. Récemment, la tonitruante entrée en piste du discret François Fillon a frappé les esprits. Son audacieux solo a braqué toutes les lumières sur lui et tous ses potentiels concurrents contre lui. Qui a remarqué la déclaration de candidature de Xavier Bertrand à la même échéance ? « J’ai le sentiment d’être mieux placé que François Fillon et Nicolas Sarkozy pour l’emporter en 2017 » a confié celui qui, une autre fois, avait mis en garde ses adversaires en ces termes : « Méfiez-vous du petit gros ! » Je ne crois pas qu’un homme aussi plein de lui suive la méthode d’amaigrissement du candidat Hollande en 2011 – et dégonfle rapidement…

Une telle précipitation donne une image déplorable de notre République et des arguments aux Chouans qui, un œil dans le rétro, rêvent de stabilité.

Nos hommes politiques d’hier n’étaient sans doute pas moins ambitieux mais au moins n’ennuyaient-ils pas les électeurs avec ça. Eux aussi y pensaient en se rasant, mais cela ne prêtait pas à conséquence : les miroirs de salle de bain ne répètent jamais ce qu’on leur confie du regard. Polis, ils gardent leur(s) réflexion(s) pour eux.

La conquête de l’Elysée par François Fillon a commencé par un curieux outing en forme de reportage photographique dans Paris Match. Ainsi a-t-on pu faire connaissance avec la très-comme-il-faut famille Fillon en sa gentilhommière sarthoise de Beaucé. Mocassins, bermudas, panamas, polos… La panoplie était complète. Monsieur aime les chevaux-vapeur. Madame aime les chevaux tout court. Le sien s’appelle Onyx.

Je me souviens qu’en 2011, j’avais conclu un article sur celui qui était alors notre premier ministre en regrettant  que son style vestimentaire ait l’air « emprunté » - « emprunté au bon usage et à son fournisseur. » Eh bien ! ce reportage m’a permis de constater que les « emprunts » dépassaient largement le seul domaine du vêtement. Dans le pack « bourgeois très installé de province » que s’est offert François Fillon, les options « habitation-décoration » sont aussi comprises.


fillon-paris-match.JPG

 

François Fillon à Beaucé, c’est un peu le capitaine Haddock à Moulinsart tel qu’on peut le voir dans Les Bijoux de la Castafiore ! Et nous, lecteurs de Paris Flash... pardon, de Paris Match, nous nous retrouvons en quelque sorte dans la position des « Roms » que le capitaine fait entrer dans son parc ! Mais l’hospitalité a des limites : pas question pour nous de franchir le seuil de la demeure ; au mieux peut-on surprendre le maître de maison à son ordinateur à la faveur d’un cliché qu’on dirait pris de l’extérieur, au zoom, la fenêtre étant restée ouverte :


fillon-bureau.jpg

 

« Ca, c’est fait » aurait dit Fillon après la publication de ce reportage. Il espère sans doute que les Français porteront à son crédit son souci de transparence et que, d’ici 2017, ils auront eu le temps de s’y faire, ou, mieux, d’oublier.

« Ca, c’est fait »… Fort bien. Mais le plus difficile, peut-être, reste à faire. Je m’explique. Un jour, François Mitterrand suggéra aux journalistes de demander à Valéry Giscard d’Estaing le prix de ses costumes. Aucun journaliste ne s’exécuta. Quel journaliste osera poser la même question à François Fillon ? La question qui tue ! En effet, chacun des costumes Arnys de Fillon coûte 6000 euros, soit 1/3 de plus que le montant mensuel du salaire d’un riche selon François Hollande. Un bon candidat doit être assez  lointain pour fasciner l’électeur et assez  proche pour que ce dernier se reconnaisse en lui. En 1995, à mesure que la campagne se déroulait, le précieux Edouard Balladur perdit l’avantage que tous les sondages lui avaient octroyé au départ et se transforma en ovni pour le Français moyen : ces deux-là ne vivaient pas sur la même planète – ou, mieux, ils n’étaient pas du même monde. Eh bien ! Mon petit doigt me dit que le candidat Fillon pourrait connaître pareille mésaventure – être cramé par balladurisation !

François Fillon y pense en se rasant. Et, comme dirait l’autre, pas seulement en se rasant. Mais, bizarrement, il n’y pense plus en s’habillant. Sinon, il aurait déjà troqué ses chers, très chers costumes  Arnys contre d’autres d’extraction plus modeste.

Un conseil de Chouan vaut bien celui d’un communicant, non ?

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