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16 juin 2012 6 16 /06 /juin /2012 07:07

The Sartorialist a popularisé quelques personnages qui sont devenus des « incontournables » du petit monde de l’élégance. Tous ne sont pas à mettre sur le même plan. Si Bruce Boyer, Luciano Barbera, Yukio Akamine, Beppe Modenese méritent des éloges, d’autres me laissent songeur. Je n’en citerai que deux dont, étrangement, des blogs que j’aime bien ont fait des modèles : Lino Ieluzzi et Renato Plutino.


lino-leluzzi-copie-1.jpgLino Ieluzzi. Crédit : Scott Schuman


lino-ieluzzi.jpgLino Ielluzzi. Crédit : Scott Schuman


renatu-plutino-lunettes.jpgRenato Plutino


renato-plutino-lino-l.jpgLes deux compères

 

Ca, des élégants ? Des vieux beaux, oui. Et pourquoi pas Michou ? Ou Ugo Tognazzi en Renato dans La Cage aux folles ? Les cheveux teints, les colifichets, les blue suede shoes, les manteaux bleu ciel, les montres surdimensionnées, les gants glissés dans la poche poitrine du manteau, les lunettes miroir, les pieds nus dans des chaussures de ville… autant de marques de mauvais goût. Un point c’est tout.


michou.jpg Michou


ugo-tognazzi.jpgUgo Tognazzi, La Cage aux folles

 

On connaît l’anecdote de Brummell répondant à qui le félicitait de son élégance aux courses d’Epsom : « Si vous m’avez remarqué, c'est que je n’étais pas élégant. » Est-ce à dire que l’élégance implique l’invisibilité ? Mon avis est plus nuancé.

A mon sens, la repartie de Brummell suppose deux choses : 1. Son interlocuteur ignorait ce qu’était la véritable élégance. 2. Ce jour-là, il y avait sûrement dans la tenue de Brummell quelque chose de m’as-tu-vu propre à retenir l’œil du vulgaire.

Car l'’élégance ne se révèle qu’aux yeux des connaisseurs. Aux yeux du béotien, elle reste invisible.

Une autre sentence de Brummell confirme mon interprétation : « Si John Bull se retourne sur votre passage, c’est que vous n’êtes pas bien habillé. » Brummell prend soin de préciser : « John Bull », soit, chez nous, Jean Dupond.

Si, donc, vous jugez bonne la fréquentation d’un Lino Ieluzzi ou d’un Renato Plutino, c’est que vous vous faites de l’élégance une autre idée que la mienne.

Les hommes qui donnent le sentiment que leur apparence est l’unique affaire de leur vie me sont toujours apparus vaniteux, niais, ridicules. Quand j’en rencontre un de la sorte et qu’il s’adresse à moi comme si j’étais des siens, je me sens tout à coup honteux de partager avec lui le goût du chiffon.

Qu’on dise de nous : « Il a du style » ou « Son habillement colle bien à sa personnalité ». Mais qu’on ne dise pas, et, surtout, qu'on ne donne pas matière à dire : « C’est une gravure de mode, un Narcisse désireux d’attirer tous les regards sur lui ».

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10 juin 2012 7 10 /06 /juin /2012 06:32

« Les ruines d’une maison / Se peuvent réparer ; que n’est cet avantage / Pour les ruines du visage ! » se lamentait La Fontaine. S’il revenait aujourd’hui, il écrirait autrement les choses : la chirurgie esthétique est passée par là, qui a vieilli – ridé – son propos. Lifting, botox font des miracles – ou sont censés en faire – et font croire aux plus naïfs que le vieux  rêve  de la jeunesse éternelle est enfin à portée de main. Les femmes sont d’abord concernées, qui se voudraient toujours fraîches – mais les aimons-nous flétries ? Elles succombent souvent mais assument rarement. J’ai entendu – de mes oreilles entendu – Arielle Dombasle dire que, non, elle n’avait pas eu recours à la chirurgie esthétique, mais que si, un jour, elle en éprouvait le besoin, bien sûr, elle n’hésiterait pas. Combien de bouches collagénées nous ont servi de semblables mensonges ? Les rohmériens – dont je suis – savent à quoi ressemblait Arielle « avant ».


arielle-dombasle-avt.jpgArielle Dombasle, Pauline à la plage

 

Il y a aussi celles qui vous disent – le visage incroyablement lisse alors qu’elles ont allègrement dépassé la cinquantaine - qu’elles aiment vieillir et que pour rien au monde elles n’accepteraient qu’on touche à leurs rides ! Un exemple ? Victoria Abril, 53 ans, récemment interrogée sur le sujet à l'occasion de la sortie du film Mince alors !

Pour beaucoup d’hommes aussi, les marques du temps sont insupportables. La chose n’est pas nouvelle. Dans son Dictionnaire des bizarres, Jean-Claude Carrière présente Baculard d’Arnaud, homme de lettres du XVIIIe siècle, comme une sorte de « précurseur de la chirurgie esthétique » : « (…) il avait le visage chauve et très ridé. Chaque matin, des deux mains, il remontait vigoureusement ses rides jusqu’au sommet de sa tête et, comme une femme fait de son chignon, il les nouait avec un ruban (1) Pour l’homme moderne, l’apparence est une préoccupation majeure. La confusion des genres a levé des tabous. Comme le dit le titre d’un film de 1998, L’homme est une femme comme une autre. Il use de cosmétiques et fréquente des instituts de beauté maintenant faits pour lui. Les plus hardis sonnent à la porte des chirurgiens esthétiques. Mais quand il s’agit d’assumer, leurs pudeurs sont… toutes féminines. Quand, par exemple, Mireille Dumas demande au réalisateur Francis Veber, alors âgé de 73 ans, la peau du visage plus tendue qu’un tambour, s’il a « fait quelque chose », il jure sans ciller (mais ciller lui est peut-être devenu difficile) que « tout est naturel (2). »


francis-veber.jpgFrancis Veber

 

Entre nous, je serais curieux d’entendre Jack Lang, moins ridé à 73 ans qu’à quarante, la griffe du lion miraculeusement disparue, répondre à la même question. Encore faudrait-il trouver un journaliste assez culotté pour oser la lui poser. Allez donc savoir pourquoi Mireille Dumas, qui l’avait reçu quelques mois avant Francis Veber (3), ne fit pas preuve avec lui de la même curiosité...


jack-lang-veste-rose.jpgJack Lang, plus ridé hier qu'aujourd'hui

 

La quête de la jeunesse passe par l’attention que l’homme contemporain prête à son corps. Oubliés, les bourgeois adipeux et ventripotents à la Daumier ou à la Dubout ! On fait son jogging. On fréquente les salles de gymnastique ou de musculation – quand on ne fait pas installer à son domicile, à grand frais, ses propres instruments de torture(s). On sue. On souffre. On aime pousser son cœur dans la zone rouge. On mange bio et équilibré. On boit 100% nature. Ce corps, demeuré apparemment jeune à force d’efforts et de privations, on charge le vêtement de le mettre en valeur. On se montre. On se dévoile. On parade. On se pavane. On est fier d’avoir, comme on dit, repoussé ses limites. C’est ainsi qu’on se jette dans l’illusion… à corps perdu.

Le rêve de la jeunesse éternelle… Mais que vaudrait une éternité qui, si ce rêve venait à se réaliser, ne dépasserait tout de même pas les limites étriquées de nos existences particulières ? Paraître moins que son âge - la belle affaire, si c’est pour finir avec la tête d’un retraité de Monaco ou de Miami ! La barbe, les cheveux blancs, les rides donnent du caractère. J’aime, moi, les nobles visages d’ancêtres et je préfère mille fois l’altière figure d’un de Gaulle âgé au masque de vieil arlequin d’un Jack Lang lifté. L’homme qui a pris l’élégance pour idéal se moque bien de savoir si porter une cravate ou un costume le vieillit. Sa quête est autre et touche, en dépit des apparences (je le précise pour les myopes), au domaine de l’esprit. L’esthétique est une chose trop sérieuse pour être confiée aux chirurgiens. En vouant un culte obsessionnel à la jeunesse, notre société trahit son grand âge. Eh oui, qu'on le veuille ou non, le monde était plus jeune au Moyen Age qu'aujourd'hui ! Et chacun d’entre nous pourrait reprendre à son compte le constat du jeune Musset dans Rolla : « Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux. » 

_________________________________________________________________________________
1. Dictionnaire des bizarres, Guy Bechtel et Jean-Claude Carrière, "Bouquins", Robert Laffont.
2. " Vie privée, Vie publique", France 3, Mireille Dumas, 16/11/2010.
3. " Vie privée, Vie publique", France 3, Mireille Dumas, 25/06/2010.

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4 juin 2012 1 04 /06 /juin /2012 06:29

J’ai passé l’autre week-end à C. chez mon frère.

C. est une jolie station balnéaire bretonne. Avec ma femme, nous avons fait le samedi matin quelques provisions à la moyenne surface de la plage. Un panneau a retenu mon attention : « Pas de torse nu ni de pieds nus dans ce magasin ». Au déjeuner, je dis à mon frère combien ces interdictions m’avaient ravi. « De quel droit, s’emporta-t-il aussitôt, interdirait-on aux gens de faire leurs courses pieds nus ou torse nu ? Qui cela peut-il bien gêner ? » J’attendais cette réaction, connaissant de longue date son opposition à toute idée de réglementation vestimentaire.


torse-nu-ville.jpgNice. Photo Frantz Bouton, Laurent Carré

 

Que, dans mon combat quasi solitaire en faveur de l’élégance (encore qu'en ce cas, il s'agisse simplement de décence), je me sois trouvé un allié en la personne d’un gérant de la distribution ne manquait pas de sel !...

Les arguments ont roulé de part et d’autre : d’un côté, l’exaltation de la sacro-sainte liberté individuelle ; de l’autre, le respect des règles au nom de l’esthétique et du nécessaire lien social. Arguments attendus ; dispute vaine, comme toutes les disputes. Et je m’en suis voulu d’avoir, par goût stupide de la querelle, mis ce sujet sur la table de notre déjeuner fraternel. A quoi bon, pour cela, prendre le risque de gâcher un week-end ?

La remise en cause des us et coutumes légués par nos aïeux est un exercice à la mode. Quand elle devient systématique, la critique relève de l'orgueil - et d'un orgueil puéril. C’est l’enfant qui demande, cherchant à se poser en s’opposant : « Pourquoi m’obliger à ceci ? Pourquoi m’obliger à cela ? » A ceux qui me somment de leur expliquer pour quelle raison on les obligerait à respecter des codes et des traditions dont ils ne veulent plus, j’ai envie de répondre, comme un père excédé par les « pourquoi » de son gamin : « Parce que » !

« Je ne suis pas quelqu’un à qui on demande ses raisons », affirmait, je crois, Nietzsche. Je pourrais reprendre ce propos à mon compte. Mais on ne répond pas à l’orgueil – fût-il puéril - par l’orgueil. Une autre citation me revient, parfaite et profonde, que je suis heureux de vous offrir : « La tradition, c’est la démocratie des morts. » C’est signé Chesterton.

Se taire et obéir : l’humilité que requiert la soumission à ce genre d’injonctions me plaît assez. Je provoque ? Pas autant que d’aucuns – dont mon frère – voudraient le penser !


tenue-ville.jpgThe Sartorialist. Crédit : Scott Schuman

 

« Déconstruire », dit-on : ce savant euphémisme ne doit pas nous leurrer. C’est de démolition qu’il s’agit. Démolition programmée et méthodique. La sagesse aurait voulu que chaque usage renversé soit remplacé par un usage de qualité au moins équivalente. Les conduites individuelles se sont substituées aux règles qui gouvernaient notre « vivre ensemble ». Ensemble, vivants et morts confondus. A la place de traditions parfois séculaires, la médiocrité ou le néant…

C. était magnifique sous le soleil du printemps. Après le déjeuner, mon frère est parti faire des emplettes au bourg. En tongs et en bermuda.

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29 mai 2012 2 29 /05 /mai /2012 06:24

Monsieur le président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps

 

Le temps d’un quinquennat
Vous incarnez la France
Patrie de l’élégance
Et des bons petits plats !

 

Monsieur le président
Craignez votre entourage
Courtisans à la page
Et sots communicants

 

Respectueusement
Je vous offre mon aide
Sachant comme on procède
Avec le vêtement

 

Revoyez s’il vous plaît
La coupe de vos vestes
Aux revers trop modestes
Au cintrage forcé

 

Quittez ces pantalons
Qui glissent sur vos hanches
Et font une avalanche
De plis sur vos talons

 

francois-hollande-pantalon.jpg 

 

Avec votre complet
Pas de chemise à poche
La poche ça fait moche
Quand ça ne fait pas laid !

 

 

francois-hollande-chemise.jpg

 

Faites très attention
Aux cravates qui pendent
Les cravates trop grandes
Prêtent à confusion…

 

 francois-hollande-cravate.jpgPhotos : Fred Dufour

 

Serrez bien au poignet
Votre bracelet-montre
Une Swatch !... Je suis contre !...
A jeter au panier !

 

Il faudrait vous calmer
Aussi sur la teinture
Piège à caricature
Et miel des chansonniers…

 

francois-hollande-teinture.jpg

 

Monsieur le président
Au fil de ces semaines
On vous vit sur les scènes
Imiter Mitterrand

 

Même débit heurté
Mêmes jeux de tribune
Une façon commune
De regarder de biais…

 

Si j’ai pu pour cela
Me montrer sarcastique

Je veux par ma supplique
Prouver ma bonne foi

 

Imiter Mitterrand ?
Mais allez-y ! Mais faites !
Poursuivez votre quête
Monsieur le président !

 

Car une fois élu
Cet homme sans prestance
Peu féru d’élégance
Fut toujours bien vêtu

 

Avisé il se fit
Président qui s'assume
Tailler de beaux costumes
Signés Cifonelli

 

Un président normal
Peut vous ficher la honte
Quand on est chez les pontes
Faut pas être banal !

 

francois-hollande-obama.jpg

 

Votre concitoyen
Nonobstant Chouan des villes
Français et francophile

Et qui vous veut du bien 

 

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27 mai 2012 7 27 /05 /mai /2012 06:56

manuel-valls.jpgManuel Valls, ministre de l'Intérieur (P. Laurenson, Reuters)

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23 mai 2012 3 23 /05 /mai /2012 06:23

Ce 15 mai, lors de l’investiture de François Hollande à la présidence de la République, il y eut plusieurs vedettes. François Hollande, bien sûr, mais aussi sa compagne (on préfèrera ce mot à celui de concubine), et puis la pluie et la foudre (le jour d’un sacre royal, le temps qu’il faisait était lu comme un présage...) - et encore une voiture : une DS5 grise découvrable à moteur hybride.


ds5-hollande.jpg 

 

C’est une tradition républicaine : chaque nouveau président choisit sa monture. Ainsi a-t-on appris qu’il y a quelques mois, alors qu'il visitait l’usine de Sochaux, François Hollande avait fait savoir qu’en cas de victoire il roulerait volontiers en DS5. En toute discrétion, Citroën fit le nécessaire pour que, le jour venu, le véhicule soit fin prêt.

La ligne DS constitue le haut de gamme Citroën. DS3, DS4, DS5 : le style de ces modèles se signale par la surcharge – le « trop » : trop de chromes, trop de nervures, trop de renflements, trop de formes tarabiscotées… Ci-trop-ën ! Pas un élément qui n’ait fait l’objet d’un traitement spécifique. Voir, par exemple, les moustaches « leds » (très laides...) de la DS3 ou l’aberrant « sabre » chromé de la DS5. La réussite du design d’une voiture ne résulte pas de l’addition de détails, aussi ouvragés soient-ils. Une belle voiture, c’est d’abord une ligne harmonieuse. En ce sens, les modèles DS ne sont pas de belles voitures, et l’on préfèrera cent fois le profil fuselé d’une C6 à celui, pataud, tourmenté, désuni de la DS5.

Une voiture obèse pour un président aminci. Une voiture haute pour un président petit…

Mais il est très probable que le critère esthétique ait joué pour peu dans la décision de François Hollande. A mon sens, celle-ci doit plutôt se lire comme une forme d’hommage au fondateur de la marque, André Citroën, qui fut un patron à la fibre sociale. Nicolas Sarkozy, lui, avait choisi Peugeot, une entreprise dont le capital est encore détenu, pour partie, par la famille. La DS5 présidentielle est à moteur hybride – soit un moteur écologique et emblématique d’une technologie française de pointe. Hybride, la DS5 l’est encore d’une autre manière : dans quelle catégorie doit-on la ranger ? Dans celle des SUV ? des monospaces ? des breaks ? Elle tient un peu des trois à la fois…. Une voiture « transgenre » en quelque sorte… tout à fait dans l’esprit d’un président ultra-progressiste en matière de mœurs ! A propos, doit-on dire « un » DS5 ou « une » DS 5 ? Olivier Razemon dans Le Monde (16/05/2012) explique à ce sujet : « Si on se fie aux recherches effectuées en ligne, le modèle choisi par le président de la République se révèle androgyne. "La DS5", lancée sur le moteur de recherche Google, obtient 38000 résultats, tandis que "le DS5" en récolte 1440. »  L'ambiguïté, encore et toujours... Le modèle découvert livré à notre président n’est, enfin, rien d’autre qu’une déclinaison d’un modèle de série, certes d’un bon prix, mais tout de même abordable pour un bon nombre de Français : une voiture « normale » pour un président « normal »…

Comprenne qui pourra : moi, quand j’ai vu débarquer cette DS5 à l’Elysée, je me suis surpris à regretter la 607 dont elle prenait la place. Une 607 que, pourtant, je n’aimais pas plus que cela…

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20 mai 2012 7 20 /05 /mai /2012 06:23

Blaise-Cendrars-jeune.jpg Blaise Cendrars, jeune homme   

 

 

C'est le Brummel de la Fifth Avenue

Cravate en toile d'or semée de fleurettes de diamants

Complet en étoffe métallique rose et violet

Bottine en véritable peau de requin et dont chaque bouton est une petite perle noire

Il exhibe un pyjama en flanelle d'amiante un autre complet en étoffe de verre un gilet en peau de crocodile

Son valet de chambre savoure ses pièces d'or

Il n'a jamais en portefeuille que des banknotes neuves et parfumées

                                                                        Blaise Cendrars, Documentaires

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17 mai 2012 4 17 /05 /mai /2012 06:48

bernatd-lavilliers-deb.jpg

 

Bernard Lavilliers chante les voyages et les grands espaces, les amours précaires dans des hôtels de passage et cette mort dont les hommes comme lui craignent, en même temps qu’ils l’espèrent, la suprême caresse. Assurément, pour paraphraser ce qu’affirmait Cadou de la poésie, on pourrait dire que, pour Lavilliers, « la chanson sera toujours l’éloge de la vie dangereuse. »

L’image médiatique du chanteur jette alors le trouble. Peau liftée et artificiellement bronzée ; dents blanchies ; yeux outrageusement faits ; front botoxé ; cheveux replantés – il ressemble plus à un Renato tendance SM qu’à un aventurier véritable. Et, insidieusement, le doute nous envahit : et si le récit de ses exploits n’était pas plus authentique que son visage ? « A trente ans, disait  Roger Vailland (je crois), on a le visage qu’on mérite. » Les chirurgie et médecine esthétiques ont tout brouillé. Car, entre nous, qui, à 66 ans, mérite le visage d’un Lavilliers ?

Certes, Bernard Lavilliers ne serait pas le premier aventurier à avoir pris des libertés avec la vérité : est-on bien sûr que Cendrars soit monté dans le Transsibérien ? Combien de fois Henry de Monfreid a-t-il flirté avec la mythomanie ? N’a-t-on pas dit que certains des reportages du bout du monde de Kessel avaient été rédigés dans des bars de palaces parisiens ? Mais, au moins, ces aventuriers-là avaient-ils le bon goût d’avoir « la gueule de l’emploi » :

 

blaise-cendrars-def.jpgBlaise Cendrars par Robert Doisneau


henry-de-monfreid.jpgHenry de Monfreid


JosephKessel-.jpgJoseph Kessel, un visage "en forme de proue de galion espagnol",  selon Michel Tournier

 

A vrai dire, savoir si Lavilliers nous mène en bateau (… un peu comme Cendrars nous aurait mené en train !) m’importe peu. A la question : « Quel est pour vous le comble de la vulgarité ? », je me souviens d’avoir entendu Jacques Martin répondre un jour : « Bernard Lavilliers chantant en maillot de corps La beauté est fascinante mais la vulgarité l’est peut-être encore davantage. Et peut-on trouver plus vulgaire que Lavilliers ? Ce cuir, ces muscles exhibés, cette boucle d’oreille – sans parler de ces regards torves qui se veulent langoureux, de cet insondable contentement de soi (100 % authentique, lui)…

 

bernard-lavilliers-fin.gif

Je vous dois tout de même un aveu : je ne déteste pas, parfois, entendre sa voix chaude transcender des textes fabriqués et poétiquement tocs.  

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11 mai 2012 5 11 /05 /mai /2012 06:32

- Photoshop continue ses ravages… Il y a les rides qu’on comble, le teint qu’on ravive, le bourrelet qu’on élimine. Mais ce n’est pas ce genre de corrections qui me gêne : le photographe a toujours retouché et, avant lui, le peintre.


duc-de-windsor-wallis.jpgLe duc et la duchesse de Windsor. Avant et après retouches. Photo : Dorothy Wilding

 

Non, ce qui me gêne, ce sont les formes aberrantes – ni belles ni signifiantes -, qui semblent n’être dues qu’à l’incompétence des infographistes :


aigle-bottes-boyfriend.jpgAigle, bottes boyfriend


fiat-500-pub-natasha-poly.JPG Le mannequin Natasha Poly pose pour la Fiat 500 Gucci

 

- Lu, dans Le Monde (supplément Culture et Idées du samedi 24 mars 2012), un article sur les vedettes qui vendent leur image à des enseignes plus ou moins prestigieuses. Le chapeau de l’article (« Voilà que (les marques) font appel à des personnalités plus connues pour leurs frasques que pour leur œuvre ») laissait espérer un jugement, sinon moral – le terme est interdit -, du moins critique. Las… Le point de vue adopté par le journaliste, Samuel Loutaty, est celui des marques. Tout pour le business, et rien sur l’appât du gain qui motive nos mercenaires du capitalisme. Pourtant, certaines contradictions (Pete Doherty, chanteur-rocker antisystème ; Eric Cantona, ex-footballeur reconverti en croisé antibanques : les deux posant pour Kooples) et certaines indignités (Charlotte Casiraghi posant pour Gucci) auraient mérité, à mon sens, d’être soulignées – et dénoncées (1).


pete-doherty-kooples.jpgPete doherty pour Kooples

 eric-cantona-kooples.jpgEric Cantona et madame pour Kooples


charlotte-casiraghi-gucci.jpgCharlotte Casiraghi pour Gucci

 

- Le Monde encore, supplément Mode du 15 mars 2012 : la couleur serait de retour dans le vestiaire masculin, ce qui, sous la plume de la journaliste Catherine Maliszewski, donne : « (…) les hommes affirment leur droit à s’occuper de leur apparat (sic) et d’une mode proactive sur le colorama très au fait de leur psychologie » !... Alexandre Mattiussi, créateur de la marque AMI, explique : « Il y a comme une appréhension. Les couleurs s’inscrivent dans une dynamique de bonheur, de bonne humeur, de légèreté qui effraie souvent les hommes. » Il est vrai que la légèreté, la bonne humeur, le bonheur par les temps qui courent… Allons ! Essayons, comme le conseillait Prévert, d’être heureux « ne serait-ce que pour donner l’exemple » ! Et, à cette fin, laissons nos vêtements annoncer la couleur !

- La campagne présidentielle a donné lieu à un chapelet d’articles sur le look des candidats et, plus largement, sur celui des hommes et femmes politiques. Ainsi, la même Catherine Maliszewski, citée plus haut, a interrogé dans Le Monde (21 mars 2012) des « spécialistes » sur « l’allure et la gestuelle de Nicolas Sarkozy et de François Hollande ». Parmi les spécialistes en question, une « coach en image » de l’agence Mademoiselle Charlotte  et le « directeur associé du pôle influence d’Euro RSCG ». Exemples d'avis autorisés sur François Hollande : « Mincir est une mue inhérente à la fonction briguée. C’est un signe de vitalité, de jeunesse, de vivacité» ; « le bleu marine (privilégié par le candidat) représente l’ordre (2), l’assurance (…) c’est pluriel, plus proche de son électorat » ; « (il devrait) choisir des chemises de couleur franche, les siennes sont parfois indéfinies. Ses adversaires lui reprochent déjà d’être flou, pas la peine d’en rajouter ».


francois-hollande-fond-bleu.jpgMonsieur le Président...

 

C’est drôle comme un sujet au départ attrayant peut vite s’user à force de servir. S’user… et user. Toutes ces enquêtes, tous ces avis bidon ont fini par me lasser et ce n’est pas demain la veille que, pour ma (petite) part, je traiterai de nouveau la question. Pourtant, des billets sur l’apparence des hommes politiques en général et sur celle de François Hollande en particulier, j’en ai écrit plusieurs ! L’opération communication-séduction fabriquée autour de ce dernier a été couronnée de succès. Quel rôle exact ses relooking et amaigrissement extrêmes ont-ils joué ? Nul ne le sait. Gageons que les communicants sauront se servir de cette incertitude pour se présenter comme les premiers responsables de la victoire. Mais que la communication se serve de la communication pour faire son propre éloge, après tout, quoi de plus naturel ? Le principe vaut aussi pour les slogans. C’est ainsi que Jacques Séguéla a réussi à ancrer l’idée que « La force tranquille » avait fait l’élection de François Mitterrand en 1981. Impossible à prouver. Mais impossible à contredire... Les médias ont colporté la légende auprès d’un public avide de formules magiques. Et le tour est joué…


mitterrand-force-tranquille.jpgUn slogan plus rassurant que le visage du candidat...

 

C'est un signe des temps : les hommes politiques sont vendus comme des savonnettes... ou des packs de Flanby...

J’ai longtemps pensé que le costume de président serait trop grand pour Hollande. A voir la vitesse avec laquelle il reprend les kilos perdus, j'ai peur qu'il ne se révèle vite trop petit…

__________________________________________________________________________________
1. Cf. Les Hommes-sandwichs.
2. Il y en avait une autre pour qui le bleu Marine représentait l'ordre...

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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 06:20

Fréquenter les bouquinistes est un plaisir de la vie. J’ai dégoté l’autre jour un livre singulier publié en 1973. Il s’agit, sous le titre Miroirs, d’une centaine de portraits d’écrivains signés Boubat avec, en regard, les textes qu’ont inspirés les photos aux écrivains eux-mêmes.

La liste des noms suggère une réflexion pleine de mélancolie sur la vanité des renommées littéraires. Qui lit encore aujourd’hui Marcel Arland, Jean Cayrol, Gilbert Cesbron, Jean-Louis Curtis, Luc Estang, André Fraigneau, Jean Freustié, Pierre Gascar, Roger Ikor, Armand Lanoux, Jacques Perry, Michel de Saint-Pierre ?... Tous furent pourtant connus et respectés. Et chacun d'eux fit en son for des rêves de postérité. Mais, comme le chantait Toulet :

« Le rêve de l’homme est semblable
Aux illusions de la mer. »

Mon attention de blogueur a été retenue par le texte de Félicien Marceau (ancien Prix Goncourt, Immortel... et mort pourtant, récemment, dans l'indifférence générale). Il montre bien, je trouve, le lien affectif que nous entretenons avec certains de nos vêtements – au point que ceux-ci finissent par nous ressembler… à moins que ce ne soit l’inverse. Voyez et puis lisez :


felic-marceauN.jpg

"Finalement, dans cette photographie, à part le fond, ce qui occupe le plus de place, c’est le pull-over. Il faut dire qu’il est particulièrement bien photographié : on en voit le grain, on en devine le moelleux. « Je tâte votre habit, l’étoffe en est moelleuse. » J’ai toujours admiré la façon dont, au théâtre, est articulé ce « moelleuse ». Il y passe quelque chose de voluptueusement laineux. Ce pull-over, je l’ai depuis longtemps déjà. Son ampleur l’indique. Les pull-overs maintenant se font plus ajustés. Mais le pull-over est peut-être ce qui ressemble le plus à l’amitié et notamment par ceci, qu’il y faut l’épreuve du temps. Un ami de la veille, un pull-over neuf, il leur manque encore quelque chose. Celui-ci est tabac. D’un tabac assez foncé. Couleur solide, qui évoque le cuir, l’écorce, le bois. C’est d’ailleurs au milieu des bois que j’en ai fait l’emplette, enfin je veux dire dans une boutique sise au rez-de-chaussée d’un hôtel alpestre et solitaire, de grands prés devant, une forêt derrière. Par une association d’idées assez naturelle, chaque fois que je le passe, je revois ces fûts et ces fougères. Bref, il y a du bois dans ce pull-over là. Il est ma maison, mon chalet. Lorsque je le mets, c’est que je veux travailler et que mon âme est sérieuse. Lorsque je le quitte et que je mets ma cravate, il me semble que, du même mouvement que je la noue, j’étrangle ma journée et que je la voue au futile, aux visites, au fla-fla.

Par quoi l’on voit qu’en parlant de ce pull-over, j’en ai probablement plus livré sur moi qu’en commentant ma lippe ou mon arcade sourcilière."

Pour l’anecdote, je vous livre cet autre portrait qui illustre à quel point l’obsession de la mode peut se révéler dévastatrice. La qualité des étoffes et des coupes n'est pas en cause – mais quel goût, mon Dieu, quel goût !


roger peyrefitte


La photo représente Roger Peyrefitte.

… Roger Peyrefitte ? Le scandale le rendit très célèbre. Et puis, à son tintamarre, succéda le silence de l’oubli.

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